Mémoire de grand-père
Lorsque mon grand-père était petit, sa maman lui donnait toujours une pomme pour sa collation de 10h. A l’heure de la récréation, il l’épluchait au dessus de la corbeille de l’instituteur.
Le caïd de sa classe se moquait toujours de lui en le regardant sortir sa pomme de son cartable…
– Bouh… Le petit bébé à sa maman va manger sa pomme !!!
Très affecté, mon grand-père n’osa plus emmener sa collation pendant plusieurs jours. Ce n’est qu’après insistance de sa maman qu’il recommença, et le même scénario se produisit pendant l’épluchage :
– Bouh… Le petit bébé à sa maman va manger sa pomme !!!
Un jour, alors qu’il se dirigeait vers la cour, mon grand-père se rendit compte qu’il avait oublié de ranger ses affaires. Il revint sur ses pas, et à sa grande surprise, il vit le garçon-moqueur, seul, penché au-dessus de la corbeille, en train de manger les épluchures de la pomme. Ils se regardèrent tous les deux, médusés !
Ce soir-là, à table, mon grand-père raconta l’épisode en famille. Son père en profita pour expliquer à ses 12 enfants, que certains parents étaient trop pauvres pour acheter des pommes à leurs enfants, et que parfois, ce manque se manifestait par de la jalousie. Ce garçon, qui avait très envie de manger une pomme n’a pas trouvé d’autres moyens de s’exprimer qu’en se moquant.
Puis il s’adressa à nouveau à mon grand-père :
– Que vas-tu faire de cette histoire ?
Mon grand-père réfléchit… Il était habitué à ce genre de questions, car son père ne passait jamais à côté d’une occasion d’une leçon de vie… Après quelques secondes, il répondit :
– Si on se moque encore de moi, je saurai que c’est sûrement parce qu’on est jaloux…
– Bien ! Lui dit son père…
Sa mère le regarda fièrement. On sentait qu’elle avait envie d’ajouter quelque chose. Mais le patriarche reprit l’espace qu’il avait laissé, et dit :
– A ton âge, c’est suffisant !
Le lendemain mon grand-père emmena sa pomme et l’éplucha fièrement au dessus de la corbeille. Le caïd qui était si prompt à se moquer habituellement ne dit rien… Il sortit de la classes, la tête basse et les épaules rentrées…
C’est alors que mon grand-père se souvint du regard de sa maman la veille au soir. Il y avait quelque chose de PLUS à faire de cette histoire et il venait de le découvrir. Il rattrapa son contempteur, coupa sa pomme en deux, et lui proposa la plus grosse moitié.
Après une légère hésitation, son nouvel ami accepta de bon cœur, et surtout de bon appétit.
Avec un tel ami à ses côtés, jamais personne n’osa se moquer de mon grand-père.
Le soir, à table, mon grand-père raconta à nouveau son histoire du jour. Son père adopta une posture fière et tendre à la fois, et lui dit :
– Tu as bien grandi depuis hier !
Sa mère laissa une pépite de joie glisser sur sa joue. Elle venait de confirmer que c’est bien ce qu’elle attendait de son fils. Le fait qu’elle n’ait pas eu besoin de le dire décupla sa joie.
A++
Stéphane
quelle belle histoire où la confiance des éducateurs permet à l’enfant de trouver en lui-même une solution , de grandir et de se révéler.
jolie histoire et leçon de vie, merci de nous la partager
Ouah! Quelle famille! C’est génial d’avoir pu exprimer ses émotions, être entendu et guidé…. »coaché » dans ces générations ! Et d’avoir installé cette confiance . La découverte intrinsèque de tout ce qui est partage est puissante et…continue 😉🎁 dans les générations suivantes, merci Stéphane !
Pédagogie, dialogue et surtout attendre qu’une solution soit découverte spontanément avec les éléments présents et évoqués en ‘equipe’, ici la famille!
L’appropriation n’en devient que meilleure car personnalisée et non “ex cathedra”!
Le mouvement émotionnel est là, mais n’envahit pas le champ de l’expression de chacun!
Je retiens : la moquerie cache autre chose..ici ” l’envie”..et ne pas reagir du tac au tac qui crée ensuite la confusion entre sentiment et émotion.
Merci Stéphane
Je suis fière lorsque je constate que ce que j’ai semé a germé puis a poussé et mûri
Ça me prouve que j’avais raison et que la douceur a vaincu l’éducation repressive
Merci Stephane pour ce joli moment partagé
merci pour l’histoire. elle donne recul et humanité. bel été
jn
J’avais lu cet article fort intéressant sur Facebook. Il donne une belle leçon quand à notre vision parfois limité des choses si on ne se donne pas la peine d’y méditer d’avantage. Dans cette histoire c’est la jalousie qui a poussé le moqueur à agir. Une fois qu’il a été pris sur le fait, son comportement à totalement changé. Du coup, il suffisait de trouver la solution pour lui venir en aide et là, la situation à totalement changée et le moqueur est devenu un ami.
Jolie histoire !!!
Tant qu’il a une écoute du moment présent il y aura toujours une réponse adaptée
La réalité d’un moment était elle la réalité de la réalité?
Le manque de confiance a permis de prendre le temps de comprendre et d’élaborer un début de réponse accompagnée afin de faire émerger une réponse exquise avec confiance
Une qualité de réponse qu’on aimerait plus au quotidien
Je pense que la jalousie se révèle sous sa pire forme avec la méchanceté gratuite et montre toute la stupidité du comportement mais surtout l’impuissance de l’auteur. Car, au fond, cela traduit un manque réel ou non (physique, financier, intellectuel, etc), lié à l’estime et de confiance en soi, qu’on essaye de surcompenser. Donc, savoir ne pas réagir et se mettre à côté de la personne pour lui monter qu’elle fait fausse route et valoriser ses qualités et son individualité . Qu’il y a une autre attitude pour s’épanouir. Regarder en soi ses ressources, voir ce qu’on veut en faire et ce que l’on souhaite pour sa propre vie plutôt de se comparer à l’autre et vouloir ce qu’on n’a pas. Et de transmettre qu’au lieu de la jalousie, il y a une autre façon d’aborder les relations, s’enrichir l’un l’autre, partager . Très belle histoire, ce petit + est un grand PLUS, tendre la main pour transmettre et créer peut-être ainsi des relations plus vertueuses