L’Amour de Soi dans l’humilité
Lorsque j’anime une formation sur l’Estime de Soi, le Leadership ou encore la Réussite, beaucoup de gens, parfois choqués par les principes égotiques avancés, me demandent comment concilier tout ça avec leur humilité naturelle.
D’une manière générale, je préfère la réponse douce. Mais il m’arrive parfois, en fonction du moment de la Formation ou de la façon dont on me pose la question, de réserver une réponse plutôt «violente»… Rassure-toi, même si elle secoue, elle te fera du bien.
La première fois qu’on m’a posé une question de ce type, c’était lors d’une formation sur la prise de parole en public. L’un des 18 stagiaires, un homme d’une quarantaine d’années qui devenait rouge vif à chaque fois qu’il devait se tenir debout devant une assistance, me pose cette question avec un certain aplomb :
- Vous venez de nous montrer une conférence TED qui va nous servir de support… Vous dites que cet homme s’affirme avec force et conviction, et pourtant, moi, je n’y vois qu’un homme imbu de sa personne. Il donne le sentiment d’être internationalement connu et nous balance des recettes de succès et de savoir-vivre… Pourtant je ne le connais pas, et je doute qu’une seule personne le connaisse dans cette salle. Ce n’est pas un Président, ce n’est pas Hubert Reeves, ni même un acteur populaire comme Robert de Niro. Qui est-il pour nous donner des leçons de vie de cet ordre ? Excusez-moi pour cette question, mais je remarque ce côté orgueilleux chez pratiquement tous les conférenciers, alors qu’ils sont inconnus au bataillon.
Je marque une pause de 20 secondes après sa question. C’est ce que j’appelle une pause gênante et lourde de Sens. C’est long 20 secondes de silence venant de moi… Très long ! Plus le temps passe, plus il rougit. Il se met même à transpirer… J’arrête son supplice en lui posant cette question rhétorique :
- Et vous Brice ? Je ne vous connaissais pas avant cette formation et à part votre collègue, je doute qu’une autre personne vous connaisse dans cette salle. Vous n’êtes pas le Dalaï Lama ! Qui êtes-vous pour nous donner une leçon d’humilité ?
Il reste coi. Certains stagiaires sourient, d’autres sont gênés par cette confrontation, et surtout ce silence, qui pourtant ne dure pas très longtemps. Tout en rentrant ses épaules et en s’affalant sur sa chaise, Brice me dit d’une voix étouffée :
- Excusez-moi… Je n’aurais pas dû poser cette question ici…
Je hausse le ton et je m’avance vers lui :
- Qui êtes-vous, Brice, pour ne pas poser de questions ici ?…
Le pauvre homme ne sait plus quoi répondre. Lui qui a payé près de 1.500 euros pour ces 3 jours, aurait bien payé le double pour disparaître à ce moment précis.
Je reprends ma place de formateur et j’explique :
Lorsque quelqu’un vous fait une suggestion et que vous vous dites :
- Qui est-il pour me faire une telle suggestion ?
Vous cherchez à lui ôter sa légitimité. Dans votre cas Brice, il s’agit probablement d’une Résistance au Changement. Vous ne voulez pas du succès de cet orateur. Peut-être aspirez-vous à quelque chose de plus confidentiel, et vous avez peur que la formation vous dirige vers ça. Alors tout en pointant du doigt le modèle que je propose, vous pointez du doigt une alternative de votre avenir que vous refusez. Par projection, votre question est donc :
- Qui suis-je pour faire (ou pour être) ce qui est suggéré ?…
C’est votre propre légitimité que vous mettez en doute en utilisant l’autre, et c’est pour cette raison qu’il me suffit d’emprunter une technique d’intimidation de base à la Schopenhauer, pour que vous vous confondiez en excuses… Mais vous êtes très résistant ! Parce qu’en vous excusant d’avoir posé cette question ici, vous suggérez l’idée qu’elle pourrait avoir sa place ailleurs… Il y a donc un autre endroit où vous seriez légitime avec votre question. Mais entant que formateur, et surtotu après cette vidéo, je ne peux pas manquer l’occasion de vous poser cette question magique :
- Qui êtes-vous, Brice, pour ne pas poser de questions ici ?
Pour moi, vous êtes stagiaire dans cette formation. Vous êtes donc ici pour poser des questions et trouver des réponses ! Si vous dites que vous n’êtes pas là pour ça, cela signifie que vous vous soustrayez à ce rôle. Vous cédez votre temps de questions et mon temps de réponse aux autres… Et ce faisant, vous sabotez votre propre apprentissage. Parce que le paradoxe que vous nous servez est juste génial ! Je paierais pour qu’on me pose cette question qui amène un débat sur l’humilité.
Je vais vous raconter une histoire :
Il y a quelques années, alors que mon beau-père rentrait du travail relativement tôt pour une fois, il a été témoin d’une agression dans le métro. Pendant qu’il lisait son journal, un homme probablement saoul est entré dans le wagon et s’est dirigé directement vers une jeune-femme, lui proposant de lui offrir un verre. Elle refuse… Le «beau-gosse» se voyant refuser ce cadeau, se rabat sur le toucher physique ! Il taquine et il pelote… La jeune femme le repousse et lui demande de la laisser tranquille. Dans le wagon, personne ne bouge…
De plus en plus violent, il la bouscule, la gifle et la met au sol. Elle crie ! Personne ne bouge…
Je pense qu’à ce moment-là, la plupart des gens se demandaient :
- Qui suis-je pour intervenir ? Je ne suis pas la police, je ne suis pas un héros de bande dessinée, je ne suis pas ceinture noire de karaté… Je ne suis pas… Je ne suis pas… Je ne suis pas…
La jeune-femme était donc sur le point de se faire violer publiquement, face à tous ces gens qui n’étaient pas…
Soudain, l’agresseur reçoit un coup de parapluie sur la tête. Il se retourne et voit mon gringalet de beau-père, rougeoyant de bravoure, lui asséner un deuxième coup de parapluie. Le molosse ne faiblit pas ! Il lâche sa victime pour saisir le parapluie. Mon beau-père lui envoie un coup de pied dans les roubignolles. L’homme s’écroule !
Le voyant à terre, 3 autres passagers, bien plus musclés que le héros du jour se précipitent pour l’immobiliser jusqu’à la station suivante. Ils le sortent du wagon et le maintiennent au sol en attendant le relai des autorités. La jeune-femme, encore effrayée, raconte les faits. Gérard, mon beau-père, témoigne.
Si vous interrogiez Gérard sur ce qui l’a poussé à agir, il vous répondrait qu’il ne pouvait pas faire autrement. Quelque chose de bien plus puissant que lui l’engageait à intervenir. C’est bien là que se trouve la clef de l’humilité : se mettre au service de quelque chose de plus grand que soi…
D’une certaine façon Gérard s’est posé la question la plus humble qui existe. C’est pour ça que j’aime tellement cette vidéo que nous venons de voir (je m’adresse toujours à mes stagiaires qui venaient de voir une vidéo) : l’orateur nous invite à nous poser cette question à la 18ème minute :
- Qui suis-je pour ne pas [faire pétiller les yeux du monde] ?
Il la pose dans un contexte précis, mais cette même question, chacun peut se la poser à sa façon, à des moments-clef de sa vie :
- Qui suis-je pour ne pas Être… ?
D’une certaine manière, on pourrait dire que Gérard s’est posé cette question :
- Qui suis-je pour ne pas Être [le sauveur de cette jeune-femme] ?
Ce à quoi il s’est répondu :
- Je suis le père de 3 petites filles. Un jour elles pourraient se trouver à sa place. Je suis présent dans ce monde à cet instant précis. Qui suis-je pour ne pas être son père, le temps d’un coup de parapluie ?
Il n’a donc pas agi en jugeant l’agresseur, se disant qu’il allait lui donner une leçon. Ce type de jugement lui aurait plutôt suggéré de ne pas bouger. Il n’était pas de taille… Il n’a pas agi non plus pour se mettre en valeur en tant que Sauveur.
Il a agi au nom de quelque chose de plus grand que lui : l’Amour Paternel !
Ben oui ! On parle bien d’Amour depuis un mois…
Ne confondons pas l’«indolence» et «Humilité». L’indolence consiste à regarder passer les évènements en se demandant «qui suis-je pour apporter un quelconque changement à ce qui est ?…». L’Humilité consiste à faire briller ce monde à travers des actes de Valeur, en se demandant «qui suis-je pour ne pas Être acteur dans ce changement ?… ?»
Je te souhaite une très belle soirée de réveillon et une transition lumineuse vers 2020. Demain, je te livrerai la conclusion de ce programme
Belle et douce nuit de transition,
Stéphane SOLOMON
La force de cette phrase ! , “qui suis-je pour ne pas…” un soir de réveillon, souvent soir de résolution, même si ce jalon me semble assez absurde ! J’aime finir cette année avec cette phrase en tête qui fait tant de place à mes projets, être et faire. Douce et festive soirée à tous les aller-versistes.
Cette question grâce à laquelle je lis ces lignes cette nuit… Elle m’a permis de faire de belles choses en 2019 et je sais que d’autres arrivent pour 2020.
Qu’il puisse en être de même pour tous ceux qui sont ici et qui vont vers
Très instructive démonstration. Il n’y a vraiment aucune excuse pour ne pas donner le meilleur de soi, ce qui autorise à prendre le meilleur d’autrui.
Encore une “claque” magistrale et des mots aussi précis que des aiguilles d’acupuncture. Sur l’indolence, d’abord, qui se drape de fausse humilité, se victimise en pleurnichant sur son illégitimité.
Mais ensuite, concrètement, cela me met devant la question sérieuse de ma procrastination à développer ma propre profession qui vivote…
Qui suis-je pour ne pas Être acteur du changement?
Qui ne suis-je pas pour oser rester planqué(e) alors que je pourrais oser bien plus….
Et comment gérer mon temps pour tout mettre en place à partie de cette montagne de brouillons sur laquelle je suis assise en train de pleurnicher aujourd’hui?
L’amour maternel m’a poussée à faire plein de choses sans me poser de questions. Oui.
Aujourd’hui ma fille est grande et je me complais à dire que (outre le fait d’être indépendante finnancièrement, qui ne semble pas me booster alors que cela devrai!) tout ce que je veux réaliser c’est finalement par orgueil et vanité…
Gloups. Quelle fausse humilité !
Vivement le programme de janvier !!!!!