Sortir du rejet
Le sentiment de rejet mériterait à lui seul un programme entier. J’aborde ici, le plus terrible, c’est le sentiment d’être rejeté par les siens.
La plupart des animaux qui vivent en groupe sont très attentifs aux tentatives d’escapade de leurs petits camarades. Dès qu’un membre du groupe tente d’explorer de nouveaux horizons, on le ramène au sein de la meute, souvent de façon violente. Les crabes se servent de leurs pinces, les lions de leurs griffes, les être humains de leurs mots !
Mes lecteurs m’écrivent souvent dans ce sens, et mes clients en cabinet, décrivent ce problème de façon très claire. Leur entourage proche les pousse vers le bas, les décourage, les réprimande, sabote leurs efforts, se moque, les délégitimise…
Que rejette-t-on ?
Est-ce TOI qu’on rejette en tant que personne ? La question mérite d’être posée, car c’est la première perception. Pourtant, la personne qui est en face de toi rejette ton idée ou ton projet. L’amour, l’amitié, l’admiration et tous les autres sentiments qui appartiennent à la relation n’ont absolument rien à voir avec ce rejet. Il est précis et ciblé.
Malgré tout le sentiment qui domine c’est le rejet de Soi et une certaine mésestime s’installe. Car au moment où tu tiens à une idée, cette idée là, à ce moment là, c’est toi-même ! Si l’idée est rejetée, tu te sens rejetés. C’est la première émotion. Il convient bien-sûr de la dépasser. Tu es là pour ça.
Rejet ou attraction ?
Nous sommes biens plus que de simples mammifères. Nous avons un esprit très puissant dont la présence est aussi importante que celle de notre corps. Et de ce fait, nous pouvons quitter la meute de deux façons : par le corps, ou par l’esprit.
Dès que tu souhaites évoluer, acquérir de nouvelles compétences, améliorer ta vie, changer d’habitude, fixer des objectifs ambitieux… des personnes que tu aimes et qui t’aiment poussent un cri d’horreur :
Reste avec nous ! Ne t’en vas pas ! Nous avons besoin de toi !
Ce serait un beau témoignage d’amour si la pensée profonde s’exprimait avec ces mots. Mais c’est rarement le cas. Cette pensée s’exprime avec une telle violence que tout la poésie disparaît. Le message «ne nous rejette pas» devient «Tu ne mérites pas !»
Une histoire de rejet
Marie décide de créer son entreprise, après plusieurs mois de chômage. Elle profite d’un déjeuner familial avec son époux, ses parents et sa sœur pour annoncer la bonne nouvelle. C’est alors que les griffes et les morsures commencent :
Père : Ma pauvre chérie, tu n’es pas faite pour ça voyons ! Tu vas te planter, comme ta cousine !
Sœur : Tu n’es pas sérieuse ? Abandonne l’idée ! Tu ne sais pas ce qui t’attends.
Mère : Crois-tu vraiment que c’est le moment de faire une chose pareille, alors que tu pourrais toucher tes ASSEDICS pendant un an et demi ?
Epoux : Moi, je n’ai rien dit jusqu’à présent, parce que je te sentais motivée, mais je pense, comme tout le monde, que ce n’est pas une décision qu’on prend à la légère. Si c’est vraiment ce que tu veux, je te soutiendrai, comme toujours. Mais réfléchis bien ! L’équilibre de notre foyer est fragile.
Je t’épargne la suite de la conversation, tu as compris… Ces 4 interlocuteurs n’ont jamais créé leur entreprise et n’y ont jamais pensé. L’idée même les met mal à l’aise, et bien évidemment leurs sentiments exprimés correspondent à leur perception de ce monde “impitoyable”, vers lequel Marie se dirige. C’est un autre univers, les affaires…
Ancrés dans leur Zone de Confort, ils ne peuvent comprendre les motivations de Marie, ni les longues réflexions et démarches qui lui ont permis de valider sa décision. Marie exprime avec joie sa nouvelle vision de la vie. Elle veut partager son enthousiasme et entamer la conversation autour de ce projet, mais elle n’obtient qu’une série de désapprobations indélicates. “Tu n’es pas faite pour ça !”.
C’est une insulte quand ce “ça” est une aspiration profonde. Cette formulation maladroite peut entraîner une certaine mésestime de soi. Marie est profondément affectée par cette attaque massive, car elle n’entend pas ce cri d’Amour :
Reste avec nous ! Ne t’en vas pas ! Nous avons besoin de toi !
Ce n’est pas un départ physique, c’est un départ mental ! Marie change de mentalité, elle va devenir « patron », une businesswoman sans foi ni loi… Nous sommes en train de la perdre… Vite ! Rattrapons-la !
Et c’est vrai que Marie a beaucoup voyagé ces dernières semaines. Elle a vu des conseillers, suivi des formations, fréquenté des salons, discuté avec des créateurs et des créatrices d’entreprise qui lui ont volontiers consacré du temps. Elle a déjà un carnet de partenaires motivés, et même des clients potentiels.
Elle est rentrée à la maison chaque soir, heureuse, amoureuse, épanouie… Elle n’a jamais quitté son environnement. Elle n’a pas l’intention de mettre qui que ce soit en danger. Bien au contraire : son intention est de mettre sa famille à l’abri du besoin et de sortir de l’alternance travail/chômage qu’elle vit comme une malédiction depuis ses débuts dans la vie active.
Le sujet n’est plus évoqué pendant le repas. Marie s’est terrée dans le silence, se demandant si elle n’aurait pas eu un excès de confiance en soi, suivi un coup de folie… C’est vrai quoi, quelle idée ! Mais un évènement anodin viendra dissiper le brouillard, et lui redonnera confiance :
Son père verse la dernière goutte de vin dans son verre. Patrick, son mari, lui propose d’ouvrir une autre bouteille. Ce dernier acquiesce avec plaisir. Un si bon cru, ça ne se refuse pas ! Patrick se lève, et dit :
– Il faut que je descende, je reviens !
– Oh non ! Restez assis Patrick ! Je pensais que vous aviez une bouteille à portée de main ! Vous savez vos escaliers m’ont toujours fait peur… Vous n’avez pas de rampe, et c’est extrêmement dangereux. La dernière fois que je suis descendu j’ai failli tomber. Ne vous mettez pas en danger pour moi. Restez avec nous !
– Mais enfin papy, je monte et je descends ces escaliers plusieurs fois par jour. Pour moi, ce n’est pas un problème. Je n’ai même pas remarqué qu’il n’y avait pas de rampe… J’en ai pour 2 minutes.
Patrick se lève, et revient 2 minutes plus tard avec une bouteille à température idéale. Son beau-père soupire de soulagement.
Marie ose alors exprimer ce qui fait écho en elle :
– Mon entreprise, c’est un escalier sans rampe !
– Comment ma chérie, répond son père, surpris et heureux de la voir sortir de son mutisme ?
– Mon entreprise, c’est notre escalier, papa ! Elle te fait peur ! Mais moi, je monte et je descends 20 fois par jour. Je n’y vais pas pour une bouteille de vin un dimanche de Printemps. La machine à laver est en bas, nos archives sont en bas, notre congélateur est au bout de l’escalier ! Cet escalier, qui est dangereux pour toi, ne l’est pas pour Patrick et moi. C’est notre quotidien…
Patrick sourit. Les parents de Marie observent leur fille s’envoler pour la seconde fois. Sa sœur tait son admiration… Ils ne tenteront plus de la rattraper, car une force de plus vient de rejoindre son univers : la complicité de Patrick. Il a compris le message, et il se sent prêt à aider sa femme dans sa nouvelle aventure… LEUR nouvelle aventure.
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Lorsque tes proches rejettent tes idées parce qu’ils n’ont pas la même confiance que toi, ne tombe pas dans le piège de la « mésestime de soi » en pensant que personne ne t’aime. Au contraire : écoute leurs cris d’amour et délecte-toi ! Comprends par-là que tes décisions, surtout si tu as acquis de nouvelles compétences ne peuvent être comprises par tous. Ils resteront dans l’incompréhension jusqu’à ce que tu deviennes un modèle. Puis tu les inspireras, et tu pourras les aider.
La sœur de Marie caresse le même projet, mais issue d’un milieu ouvrier, sa légitimité interne ne lui permettent pas d’y penser avec sérénité. En observant Marie réussir, sa perception changera et les paradigmes liés à sa Légitimité seront reprogrammés. Surtout si Marie obtient de beaux résultats. Des résultats se traduisant par des actions concrètes qui vont dans le sens de sa famille.
Par exemple, l’installation d’une rampe d’escalier !
Cette délicate attention permettra à son père de visiter son atelier…
A++
Stéphane
PS : Rappelle-toi que même si je ne t’y invite pas systématiquement, chacun de mes articles peut, après une introspection, t’aider à passer à l’action ou à trouver des stratégies relatives à ta propre situation. Marie est une métaphore. C’est à toi qu’il appartient de te l’approprier afin que la Légitimité de Marie, murmur à ton oreille.
Je n’arrive pas à parler de mes projets avec ma famille (mes grands frères et mes parents)… Dès que j’aborde dans la tête l’éventualité de leur en parler l’angoisse monte et mes projets me semblent complètements illégitimes… Ils redeviennent de doux rêves.
Ce n’est vraiment pas évident de relativiser la réaction de rejet des gents qui comptent.
C’est un passage difficile, mais c’est beaucoup plus difficile de se sentir seule.
Peut-être qu’il ya quelque chose à travailler dans ta capacité à rassurer.
Je crois en avoir déjà parlé mais cela fait quelques années que j’ai enfin pu récupérer mon piano. Peu de temps après en discutant avec mon père et sa copine alors que j’expliquais que je voulais m’y remettre seule, elle s’est exprimé “mais c’est impossible ! Tu n’y arriveras jamais toute seule!” Depuis je touche mon piano une fois chaque 6 mois….
Suite à certains articles que tu nous avais partagé je ne parle de mes projets qu’à des personnes qui ont la même Énergie que moi.
Je comprends mieux que la famille “s’accroche” à nous et ne cherche pas à nous “casser”. A nous de trouver une façon de les rassurer, de trouver notre escalier.
C’est ça ! A partir du moment où tu proposes un changement qui peut les toucher, il y a un co-changement à mettre en place : celui de les rassurer. Sinon, ils adopteront la mauvaise posture, et tout le monde sera en imposture.
Je me rends compte que je suis beaucoup entourée de personnes qui s’accrochent à leur zone de confort. Je pense notamment à ma belle famille dont la première réaction, quoi qu’on propose, sera négative. Mais dans ce cadre là, je vais plus facilement les rassurer , leur expliquer etc… Au sein de ma propre famille, je vois que j’attends que ce Soutien , cette Energie vienne d’eux même directement…
A méditer sur l’Exigence que l’on a avec nos proches
Ce récit m’a énormément marquée et m’est au quotidien d’une grande aide pour accepter l’idée que je puisse avoir ce type de projet, pour comprendre et gérer les résistances qui allaient se monter autour de moi.
Même si cela m’a coûté de prendre la parole, là où
j’attendais un peu bêtement d’être comprise à mi-mots, d’être précédée même, j’ai pris le soin, d’expliquer, de rassurer, de prouver, de faire part de mes propres inquiétudes et de mes besoins. (Ps je ne l’aurais pas fait et n’y serais pas arrivée sans coaching, qui m’a éclairée sur les besoins de mes proches, m’a motivée et m’a apporté beaucoup d’un point de vue communication). Aujourd’hui ma démarche est comprise par mon tout premier entourage, soutenue, même si timidement et avec, il me semble, encore de l’incrédulité. Ils me donnent la liberté d’investir, ce qui transforme une potentielle culpabilisation en responsabilisation, motivation et confort, et m’accordent de leur temps pour suppléer au quotidien à mes absences.
Mes amis, forcément moins concernés, sont pour certains bienveillants et pour d’autres carrément enthousiastes et encourageants. Entre ce cercle d’amis et mon foyer, il y a un entre deux, à l’attitude que je ne sais qualifier , une sorte d’indifférence en s’assurant plus ou moins que j’aille bien. Peut-être la peur de m’en parler maladroitement justement. Peut-être la nature même du projet, qui tient en deux mots qui comptent double au scrabble de la crainte pour ces personnes. Je prends le parti de ne pas les mettre plus mal à l’aise en leur en parlant, de laisser mon projet avancer, de revenir vers eux quand il y aura plus de concret. J’ai l’impression de me protéger aussi ainsi.
(Pour mieux expliquer la première phrase de Danièle, ce texte est l’un de mes incontournables, et je l’ai publié à plusieurs reprises. Danièle me lit depuis longtemps, c’est pour ça qu’elle en parle au passé).
Ce qui est intéressant dans ton commentaire Danièle, c’est qu’il a la valeur d’un témoignage après application de la technique. Aujourd’hui tu peux affirmer que cette technique a augmenté ta légitimité auprès de ton premier cercle. Tu as la preuve que prendre conscience du malaise de l’autre face au changement (imposé par ta détermination), tu peux recevoir le message profond de ce qui est exprimé en le décodant.
Le message “reste avec nous” est parasité par une multitude de biais qui le transforment en «tu n’es pas faite pour ça !». Cet article une fois implémenté dans ton récepteur fait office de décodeur. C’est ton décodage qui éloigne l’imposture de ton interlocuteur d’abord, et cette délicate attention te redonne la bonne posture.
Bravo pour ça ! Pour ça aussi…
Effectivement, ils redeviennent des “doux rêves” que je continue à caresser
La force d’inertie des proches
La peur de nous perdre, de nous voir s’épanouir sans leur aide, de réussir là où ils n’ont pas osé ou n’osent aller.
Comment va tu faire ?
C’est pas facile seule !
Ne fais pas n’importe quoi ! Et à ton âge ?
Réfléchis avant d’agir, et le qu’en dira-t-on etc etc
Ils projettent sur nous leurs peurs, leurs craintes et la peur est contagieuse
Docile je rejoins le troupeau en me disant que de toute manière c’était pas le bon moment, c’était pas une bonne idée, il faut encore y réfléchir…
La légitimité des autres reprend le pas sur la mienne
PS : si je réussis => j’ai toujours su que tu y arriverais
si j’echoue => je t’avais prévenu, tu n’en fais qu’à ta tête
J’aime beaucoup ton PS, car tu as bien compris que finalement, tout ce qui précède n’a aucune valeur. La seule chose réellement valeureuse, c’est que tu puisses t’épanouir, tout en faisant en sorte que les tiens se sentent aimés et accompagnés par ton énergie, malgré leur crainte de te perdre (ou de devoir supporter les affres de ce changement que tu es la seule à vouloir au point d’agir).
Hello tous,
Cest la deuxième fois que je tente d’être artiste, indépendante financièrement et la deuxième partie a son importance … La première fois je n’y suis pas arrivée alors que j’étais en coopérative culturelle et artistique pendant 3 ans. Je me suis mis la pression et je ne me suis pas senti appuyer par la famille (parents, conjoints, beaux-parents…). Je retente mais je ne veux plus dépendre de l’approbation et du regard des autres. Cette fois, j’ai mis de l’argent de côté pour ne pas gréver le budget familial et j’ai prévu de m’appuyer sur un boulot alimentaire de concepteur-rédacteur. Vive la révolution !!
Oh merci Stéphane il arrive encore à point nommé. Quelle Synchronicité qui fait tellement écho à mon projet et mon attrait pour le développement Personnel depuis un peu plus de 2 ans. Je n ai jamais pensé faire un parallèle entre mon projet et ma vie de tous les jours, je devrais plus souvent utiliser des actes de la vie quotidienne avec mes actes pour notre vie future. C’est une construction de longue haleine, il faut de la ténacité et du courage pour tenir et y arriver. J avais en-tête un avis plutôt négatif sur les petits sabotages, je les vois différemment. Merci
Avec Plaisir !
Ravi de te voir si réceptive 🙂