Mon coup de gueule de l’année
As-tu remarqué à quel point il faut parfois se justifier d’être gentil ? Pire, pour qu’une gentillesse soit acceptée, il faut parfois la maquiller… Combien de fois ai-je dû dire à une personne que j’ai accompagnée à bon port, quelque chose du genre :
- De toute façon, c’était sur mon chemin…
Alors qu’en fait non ! Ça m’a bien coûté un quart d’heure cette histoire. Mais j’avais envie d’être gentil et ça m’a fait beaucoup de bien.
Parfois le mensonge doit être gros pour rendre la gentillesse acceptable. Beaucoup de gens, beaucoup trop, ne sont pas habitués à la gentillesse et veulent absolument comprendre ce qui se cache derrière tout ça… Alors pour leur faire accepter la gentillesse, il faut leur inventer un super mensonge !
Mais là, aujourd’hui, j’ai envie de pousser un gros coup de gueule :
Je suis gentil et je t’emmerde !
Qu’est-ce qui m’amène à pousser ce coup de gueule ? Remontons de quelques mois en arrière :
L’histoire
Il y a environ un an, je me suis inscrit à un groupe d’entraide de coachs fraîchement formés aux neurosciences. Les petits échanges allaient bon train, et j’étais ravi de participer de temps à autres en partageant mon expérience avec les débutants. Un jour, un besoin très clair est apparu dans le groupe : créer son site internet ! Dire que les membres étaient nuls en la matière serait un doux euphémisme. Pour eux, Internet était magique, mystique, ésotérique même… Mais certainement pas technique.
Ayant de bonnes compétences dans le domaine, j’ai décidé d’aider ce beau monde. J’ai donc proposé une formation gratuite en 6 séances pour tous les coachs qui partaient techniquement de zéro. J’allais les accompagner pas à pas vers leur site… Sur les 64 membres du groupe, 62 se sont inscrits. On peut dire que j’ai fait un carton plein ! Seulement voilà… Le premier soir, je me suis retrouvé avec seulement 29 participants sur 62 inscrits. J’ai donc proposé un replay aux 33 absents (toujours gentiment). Ce replay a fait 3 vues ! Quant à la deuxième séance, ils n’étaient plus que 18…
T’as beau avoir une belle Estime de Soi, passer de 62 à 18 participants en l’espace d’une semaine, ça te donne carrément l’impression d’être une merde ! T’as même envie de dire aux 18 personnes qui restent qu’ils ne devraient pas insister… Que ton offre est pourrie !
Mais un coach est également un auto-coach… Ce qui signifie que même lorsqu’il se sent floué, il est capable de raisonner sur des faits : 33 personnes inscrites ont abandonné avant même de voir de quoi j’étais capable : ma pédagogie ou mes compétences n’étaient donc pas en cause. Et en ce qui concerne ceux qui m’ont lâché après la première séance, combien d’entre eux pensaient qu’un site se construisait sans effort ? Le premier cours leur a donc ouvert les yeux, ce qui est une bonne avancée.
Après, il y a sûrement 2 ou 3 personnes qui m’ont trouvé nul… Mais ça, c’est plutôt rassurant !
Incroyablement généreux…
Parmi les 18 coachs qui restaient en lice, il y en avait 3 qui n’avaient pas les moyens de payer leur nom de domaine et l’hébergement (environ 50€ de frais). Ils ont failli abandonner, mais je leur ai proposé de leur prêter une sous-partie de mon site pour qu’ils puissent aller jusqu’au bout de la formation. Ce soir-là, j’ai reçu un mail d’une personne qui me qualifiait d’«incroyablement généreux» ! Ces deux mots, mis côte à côte m’ont fait un choc, et ont amené mes pensées vers un autre aspect de l’histoire que je ne soupçonnais pas.
Mon offre était incroyable ! C’est logique de ne pas croire à l’incroyable… C’était de la pure générosité et aucun intérêt personnel n’était mis sur la balance (à part la joie de rendre service). Il est donc fort possible qu’après une inscription compulsive, le doute se soit immiscé dans les esprits de 33 personnes, les amenant à considérer ma proposition comme chimérique. Il est même possible que certains d’entre eux se soient dit que je cachais une opération commerciale derrière un semblant de gratuité. Voilà qui est beaucoup plus facile à croire, et n’étant pas dupes, ils se sont éclipsés en silence…
Pire, je suis prêt à parier ma prochaine gentillesse, que certains sont venus à la première séance juste pour voir à quel moment j’allais basculer en mode entourloupe. Pire encore (et tu vas trouver que j’exagère), comme beaucoup de professionnels débutants sont en quête d’idées commerciales, ils sont venus le premier soir pour voir comment j’allais procéder pour transformer tout ce beau monde en clients… En d’autres termes, ce qui les intéressait vraiment, ce n’était pas de créer un site web, mais de me voir transformer une offre incroyablement généreuse en une affaire possiblement juteuse. Ils ont tous été déçus ! C’était de la Pure Générosité (avec évidemment la part d’égo qui accompagne l’action, lorsque la Générosité est notre principale valeur motrice).
Je pense que si j’avais proposé une formation payante, tout le monde y aurait cru ! Je n’aurais peut-être eu que 30 inscriptions le premier soir, mais personne n’aurait soupçonné une manœuvre sournoise puisque l’intérêt financier aurait été clairement affiché. Mon offre n’aurait plus été incroyablement généreuse, puisqu’en perdant sa générosité, elle aurait perdu également son aspect incroyable…
Je ne suis pas un perdreau de l’année ! Je sais très bien qu’il faut user de stratégies pour aider les gens à acquérir quelque chose d’utile (c’est du Marketing au sens noble du terme). Ce que je ne soupçonnais pas, c’est que même des coachs évoluant dans un cadre d’entraide, avaient autant besoin d’une opération marketing bien ficelée pour masquer la Générosité. Voilà comment une expérience malheureuse peut nous transformer en profondeur : puisque la gentillesse est incroyable, restons crus !
Des mensonges tous crus
Il y a 3 semaines, Danièle, une amie coache m’a fait la demande suivante :
- J’ai décroché un beau contrat avec un groupe de golfeurs. Je n’y connais rien, donc je me suis documentée, mais je voudrais parler avec toi de différentes choses avant de commencer. Est-ce que tu aurais une heure à m’accorder ?
J’ai répondu positivement, car j’avais envie d’être gentil avec Danièle. Puis j’ai pensé à Patrice, un sophrologue de mon réseau de contacts, qui a accompagné un golfeur de haut niveau. Il pouvait donc aider Danièle mieux que moi.
Et c’est en contactant Patrice que je suis parti en cacahuète :
- Salut Patrice, j’ai décroché un beau contrat avec un groupe de golfeurs. Comme je sais que tu as une bonne expérience dans le domaine, j’aimerais en parler avec toi. Si tu le permets, on va faire une conversation à 3, avec une coache qui va travailler avec moi sur ce projet… Je te paierai ton expertise bien-sûr.
Eh ouais… Je ne me voyais pas dire à Patrice : «J’ai envie d’être gentil, est-ce que tu veux être mon complice de Gentillesse ?». J’ai préféré dire que j’avais besoin d’une expertise purement professionnelle. Voilà… Ça c’est croyable !
Et mon mensonge ne s’est pas arrêté là ! J’ai contacté Danièle pour lui dire ceci :
- J’ai pensé à inviter un ami dans notre conversation, parce qu’il a déjà accompagné un golfeur. Ça me permettra de renouveler mes connaissances en matière de coaching sportif. Ca me sera sûrement utile de savoir ce qui se passe dans la tête d’un golfeur durant une compétition.
Ben en fait non… Je m’en fous ! Ce qui se passe dans la tête d’un golfeur pourrait m’intéresser «au passage», mais certainement pas au point de créer un rendez-vous pour ça. En fait, j’avais l’opportunité de sur-répondre, et Danièle le valait bien.
Seuil de tolérance
30 minutes avant le rendez-vous, sous ma douche, je me demandais comment j’allais faire pour maintenir ce double mensonge. Et un mensonge en entrainant d’autres, j’ai commencé à établir une stratégie afin de lancer la conversation entre mes deux invités, puis de m’effacer progressivement.
Et soudain, je me suis mis à pleurer… Je ne me suis pas écroulé en sanglots, mais des larmes ont envahi mes yeux, se mêlant à l’eau avant de partir dans les égouts. Réalisant que j’avais menti à deux personnes que j’estimais profondément, j’ai compris que j’avais dépassé mon seuil de tolérance. Mes fourberies me mettaient dans un embarras profond. J’ai donc décidé de leur dire la vérité au début du rendez-vous, et tant pis si ma gentillesse allait éclater au grand jour !
J’ai commencé la séance en leur montrant le titre de mon prochain article :
«Je suis gentil et je t’emmerde !»
Connaissant mon style, Danièle et Patrice ont commencé par sourire, attendant la suite…
En abordant cette réunion sous le prisme de l’authenticité, du pardon et de la bonne humeur, ça nous a mis dans une sacrée ambiance. J’ai pu observer Patrice et Danièle échanger avec enthousiasme, et j’ai compris quelque chose de précieux : nous étions entre gentils ! Il est inutile de mentir entre gentils ! Il est même incongru de se justifier. C’est la base d’être gentil entre gentils, et quel plaisir de se réunir…
Rattrapage
Une mauvaise expérience a failli me faire perdre pied. Ce n’était pas ma gentillesse qui était en péril, c’est pire : c’est ma Légitimité d’Etre Gentil. Voilà pourquoi, depuis quelques semaines, lorsqu’on me demande :
- Ça cache quoi ton truc ? Qu’est-ce que ça t’apporte ?? Pourquoi tu fais tout ça ???
Je réponds à l’interrogatoire par une formule qui m’aide à tenir bon :
- Parce que je suis gentil et je t’emmerde !
A++
Stéphane
PS : Un dernier mot pour celles et ceux qui ont été émus par cette histoire : Tenez bon !
Il y a un bonne dizaine de thèmes de Développement Personnel et de Coaching qu’on pourrait amener à partir de cette histoire (de ces histoires). Il y a même une Technique livrée au passage (pour les plus avancés). Alors, puisque tu as le choix, par quoi veux-tu commencer dans ton premier commentaire ?