Un ange passe…
Je devais avoir 27 ans. Nous mangions, Karine (ma compagne), mon fils et moi dans un restaurant chinois. Chan, le serveur qui aimait beaucoup notre présence parce que nous faisions honneur à son karaoké, venait régulièrement nous voir pour nous demander si tout était à notre goût. Nous répondions par la positive.
3 personnes dînaient à la table d’en face : une femme d’une beauté rare, son fils d’environ 6 ans et une autre femme, probablement une amie de la première. Le petit garçon applaudissait nos chansons, sa mère interrompait régulièrement sa joie d’un geste… Les deux femmes discutaient de tout et de rien.
Lorsque Chan passa prendre leur commande, il s’adressa aussi au petit. La réponse de la mère me stupéfia :
– Il ne faut rien lui demander ! De toute façon il ne sait jamais ce qu’il veut ! Il mangera la même chose que moi ! C’est moi qui décide !
Une foule d’émotions me traversa. Ce n’est pas très facile à décrire. Pour résumer, je dirais que le papier que je tenais entre les mains et que je m’apprêtais à donner à l’animateur du Karaoké était complètement froissé une fois que j’ai repris mes esprits. Gonzag, un habitué du lieu était en train de chanter «SOS d’un terrien en détresse». Une chanson de circonstance qui me laissa sans voix lorsqu’il prononça la phrase :
– Au grand LOTO de l’Univers, j’ai pas tiré l’bon numéro, j’suis mal dans ma peau…
Cette chanson allait comme un gant au petit garçon dont le seul plaisir de la soirée était la musique. Chan vint proposer le catalogue des chansons aux deux femmes et au garçon :
– Tu ne vas pas chanter ?!!! Dit la mère à son amie…
– Euh non… Dit-elle, comme si ce choix venait d’elle…
– Et le petit ? Demanda Chan poliment
– Le petit ne sait même pas parler à son âge. Alors chanter…
Je regardais Karine avec un énorme point d’interrogation. Que faire ? Elle me fit signe de me calmer. Nous étions là pour passer un bon moment en famille… Mais quelques secondes plus tard, la mère tendit la bouteille d’eau vers le petit, et comme il avança son verre en même temps, une petite quantité d’eau se renversa sur la table. Énervée, la mère reversa la bouteille sur la tête du garçon ! Bien que choqué, le petit ne cria pas. Ses lèvres vibraient, son corps tremblaient et pourtant, il resta assis, Attendant certainement une indication sur la façon dont il pourrait réagir…
– Ne reste pas comme ça, lui dit son bourreau avec un ton agacé, va te sécher dans les toilettes ! Il y a une machine qui souffle de l’air chaud !
Le garçon s’exécuta, mû par la volonté de sa mère… Savait-il seulement ce que «volonté» pouvait signifier ?
Une minute plus tard, Karine se leva et se dirigea vers les toilettes. Elle trouva le petit qui se balançait hébété sous l’air chaud. Il la regarda effrayé. Certainement de peur d’avoir encore un comportement déplacé qui ne plairait pas à un adulte…
Elle décida alors de prendre le garçon dans ses bras. D’abord hésitant, il tenta de résister, puis il comprit qu’il n’y avait là que de bonnes intentions. Il se laissa envahir par la douceur, et un torrent de larmes coula de ses yeux. Karine ne dit rien. Aucun son ne pouvait exprimer cette Energie qui circulait en elle et autour d’elle. Une énergie protectrice que le garçon accepta comme un cadeau divin.
Elle revint s’asseoir, le petit la suivit quelques secondes plus tard et s’assit à sa place. Nous assistâmes alors à un miracle ordinaire : l’enfant décidait de lui-même quelle chanson il pouvait applaudir, et sa mère, comme retenue par son enthousiasme ne pensa même plus à le contrarier.
Nous apprîmes par la bouche de Chan que cette femme n’était pas sa mère. Sa maman était décédée, et comme dans les mauvais contes de fées, son père épousa cette femme pour tout ce qu’elle lui apportait sexuellement. Il en était éperdument amoureux et cédait à tout ce qu’elle demandait, offrant par la même occasion une marâtre à son fils. Je demandai à Chan s’il pouvait me laisser jeter un coup d’œil sur le chèque que cette femme lui a laissé, afin de noter son adresse. J’avais la ferme intention de faire intervenir les autorités. Il me répondit qu’il ne pouvait pas commettre cette faute, d’autant plus que le père du petit était préfet de police et qu’il pourrait fermer le restaurant en deux signatures. Nous en sommes restés là…
Aujourd’hui, 23 ans plus tard, avec tout ce que j’ai appris et surtout avec tout ce que je pratique, je sais que Chan ne pourrait pas tenir plus d’une minute face à ma détermination. J’étais «indolent» : dès que je savais que l’une de mes actions pouvait provoquer de la douleur, je reculais d’un pas. Dans notre cas, j’avais peur que mon action fasse du mal à Chan, à son restaurant, aux habitués du lieu… J’ai perdu mon Focus : ce petit garçon maltraité…
Mais il y a une chose à laquelle je CROIS, et ce, malgré ce que les pragmatiques pourraient avancer comme arguments, car une Croyance ne cherche pas d’arguments : elle est !
Par son action, une action simple, naturelle… Karine a donné à ce garçon la légitimité d’exister, et certainement de grandir et de s’affirmer à travers cette bulle de Confiance qu’elle à créé autour de lui l’espace d’un instant. Nul doute qu’il s’en souvient encore aujourd’hui, et qu’à chaque fois qu’il a besoin de soigner l’enfant blessé, il repense à cet ange qui l’a enveloppé de ses ailes protectrices, remplaçant la peine par la quiétude, la douleur par la douceur, la haine par l’Amour…
La dernière fois que j’ai publié cette histoire, les lecteurs se sont focalisés sur l’Empathie, qui est effectivement l’axe autour duquel tourne toute la narration. Cependant, cette histoire évoque bien d’autres thématiques de Développement Personnel. Saurais-tu en énumérer 2 ou 3, en commentant en quelques lignes ?
A++
Stéphane SOLOMON
Bonjour Stéphane, merci pour cet article. Je me suis demandée s’il était réel ou créé pour les besoins du coaching. Dans tous les cas, il me permet de participer, bel exercice pour moi et mission déjà accomplie pour toi ;-), merci. Derrière cette histoire, je vois les thématiques suivantes : les croyances limitantes, les besoins, le libre arbitre, la légitimité et l’action. J’aime beaucoup le titre à double sens suivant si l’on voit l’inaction y compris les commentaires ou l’amour enveloppant de Karine….Belle soirée
Bonjour Karine,
L’historie est vraie. Bien sûr, je la raconte de façon à ce qu’elle colle au contexte éditorial, car j’aurais pu me satisfaire d’évoquer les faits (façon journalistique), ou à l’inverse, entre dans un conte spirituel (exercice auquel je me prêterais bien avec les esprits les plus ouverts).
Les thèmes que tu évoques sont bien présents. Si tu peux nous gratifier de quelques mots supplémentaires (au moins sur l’un des thèmes), ce sera certainement joli.
Bien joué pour le titre à double-sens.
Et s’il y en avait un troisième ? 😉
Bonsoir Stéphane, oui effectivement un 3ème sens à un ange passe ;-). Un, pour le silence ou l’inaction dans l’histoire, un autre pour Karine qui est passée par là et le 3eme pour cet exercice où les commentaires sont attendus suite à ta publi? Il s’agit de cela ou un autre sens encore? Concernant les croyances limitantes, l’on est servi ! Entre les phrases condamnant de la mère : “il ne sait jamais ce qu’il veut” avec le “jamais” ou la phrase à l’amie insidieuse et incitant à ne pas faire voire plus “tu ne vas pas chanter”. Ou encore “le petit ne sait pas parler alors chanter”….. Concernant les besoins, l’on voit bien les besoins physiologiques de base et psychologiques jusqu’au niveau d’accomplissement de Maslow à travers l’enfant. Et, à travers ton intervention et celle de Karine, les besoins plus évolués en se référant à d’autres pyramides (besoins spirituels, mission de vie etc). Voilà ce que cela m’inspire sur 2 des thèmes évoqués. J’ai hâte de lire les autres commentaires. Je suis souvent épatée par ceux-ci. Je confirme, c’est une belle source d’enrichissement et de questionnement me concernant. Belle soirée et au plaisir donc de lire ceux qui laisseront quelques mots
Je ne supporte pas qu’on puisse faire du mal à un enfant. Les enfants sont des êtres qui se remettent en cause, ne connaissant pas suffisamment l’existence. La moindre blessure a des impacts sur l’adulte qu’ils deviendront.Cela provoque en moi de la colère.
Je me suis trouvée un jour dans un rayon de supermarché, un enfant gênait mon passage.
Son père l’a méchammant invectivé, s’excusant auprès de moi et continuant d’engueuler le petit.
Je suis restée un grand moment à le fixer, il n’a pas aimé et s’apprêtait à me casser la figure.Je n’ai rien pu faire de plus.
En ce qui concerne le développement personnel, je peux juste dite que je suis restée moi-même et que j’ai exprimé mon mécontentement.
Il ne faut pas rester indifférent,est-ce un point de développement personnel?
Merci Stéphane, ton histoire est pertinente.
Bonsoir Bernadette,
Heureusement pour les enfants, en devenant adultes, ils peuvent se reconstruire en s’éloignant de leur environnement toxique. Ca reste évidemment un choix (d’adulte), et justement, puisque nous sommes dans un cadre de Développement Personnel, beaucoup de pratiques et de techniques sont offertes à ces âmes en peine pour aller de l’avant malgré une enfance difficile.
Un enfant maltraité n’est donc pas foutu, surtout s’il a vécu quelques parenthèses enchantées où d’autres vision du monde ont nourri son cerveau.
Faire honneur à cet enfant, c’est également accepter l’idée que son avenir n’est pas déterminé, et qu’il pourra, notamment grâce à cet épisode bienveillant, se souvenir qu’il y a d’autres comportements à adopter en devenant adulte.
L’invitation que je fais à travers cette histoire, consiste à dépasser le cadre strictement émotionnel et à y trouver des ressources qui sont du domaine du Développement Personnel. Par exemple, si Karine n’avait pas su gérer ses émotions, elle ne m’aurait pas calmé. Bien au contraire, elle m’aurait encouragé à faire bouffer sa nappe à cette bonne-femme, car j’étais à deux doigts de jouer au sauveur-musclé.
Karine a donc joué plusieurs rôles en tant que médiatrice émotionnelle. Elle a géré ses propres émotions, elle a également géré lé miennes, et en a offert des nouvelles à cet enfant grâce à son étreinte.
On peut également, lorsqu’on connaît quelques outils et techniques (et lorsqu’on me connaît) faire un tour du côté du Triangle de Karpman, de la Sérendipité, de la Gratitude, des Valeurs, des Croyances, de l’Identité, etc. Tous ces thèmes que j’égrène depuis des années…
Et puisque tu évoques l’idée de «ne pas rester indifférente», on touche à la Responsabilité, encore une thématique de haut niveau.
Visiblement, Karine a été le seul être Responsable dans cette histoire. Tous les autres ont été victimes de leurs émotions, que ce soit la colère ou la peur…
Tu évoques également le fait qu’en découvrant cette histoire tu est resté toi-même : donc mécontente. C’est tout ? Le coaching t’invite à explorer une version améliorée de toi-même. Karine a fait preuve d’un dépassement de Soi ce jour-là. Ce qui l’a pas empêchées d’être elle-même (à un niveau ++), et c’est grâce à ce dépassent, en se mettant au service de quelque chose de «plus grand que soi», elle a tout géré.
Je n’ai plus Linkedin, ils ont supprimé mon compte sous prétexte que j’avais mis mon nom commercial, une enseigne, après impossible de créer un compte. Je n’en ai plus besoin, alors…
Une de mes amis à eu une enfance difficile avec une belle-mère méchante. La mère biologique de son frère et elle est décédée peu après sa naissance.
Elle s’en est remise, même si la blessure n’a jamais vraiment cicatrisé. Son frère a malheureusement moins bien vécu la situation, il ne s’en est pas sorti, il est mort.
Ils n’ont gardé aucun lien avec les demi frères et sœurs.
L’enfance, ça marque. On le constate avec ceux qui commettent des crimes ou autres, soit ils basculent eux-mêmes dans le mal, soit ils deviennent des enfants qui veulent à tout prix réussir pour leur égo.
J’ai conscience que ce n’est pas le commentaire attendu.
Nicole,
Lorsque tu dis :
«On le constate avec ceux qui commettent des crimes ou autres, soit ils basculent eux-mêmes dans le mal, soit ils deviennent des enfants qui veulent à tout prix réussir pour leur égo.»
tu parles de personnes qui ne font aucun travail sur soi (si ce n’est lutter pour survivre). Je connais beaucoup de gens qui, maltraités durant leur enfance ont su se construire une vie agréable et digne à l’âge adulte, sans jamais reproduire ce qui les a blessés et fragilisés durant leur enfance.
Toutefois, il est bon de rappeler ce qui se passe sans ce travail, donc ton commentaire a du sens dans cette optique. Même si ce n’est pas la perspective que j’aime mettre en avant dans ma ligne éditoriale, mais c’est effectivement possible hors cadre de Développement Personnel.