L’évitement cognitif
Dans le module précédent, nous avons vu que je tentais de clarifier les choses en demandant à Mamie :
– C’est votre myopie qui a évolué ou un problème plus sérieux ?
La première partie de sa question est rapide et franche :
– Je n’en sais rien !
puis elle ajoute sans transition :
– Mon prochain rendez-vous chez l’ophtalmo est dans 8 mois. C’est impossible avant !
Si c’est juste ma myopie, tant mieux ! Si c’est autre chose, tant-pis…
Elle fait comme si je lui avais demandé :
– Vous avez consulté un ophtalmo ?
Lorsqu’on pose une question et que notre interlocuteur répond à une autre question (tout en étant convaincu que sa réponse concerne la question posée), on parle de «biais de substitution». Beaucoup de gens pensent que «partir en biais» est négatif. Or en coaching, chaque biais est une denrée précieuse qui permet de se rapprocher du vrai problème.
Si j’y vois un biais, c’est parce que je n’allais pas poser une question concernant son ophtalmo (trop basique). J’aurais posé des questions sur sa santé (maux de tête, vision floue des deux yeux ou d’un seul, depuis combien de temps, etc.). Des questions plutôt angoissantes ! Et d’une certaine manière, le cerveau de Mamie s’est mobilisé pour créer un évitement cognitif. Voyons ce qu’en pense l’Intelligence Artificielle que j’ai entraînée, et à qui j’ai demandé d’analyser cette séquence sous cet angle.
L’évitement cognitif
En psychologie, l’évitement cognitif est une stratégie mentale qui consiste à détourner l’attention d’une pensée, d’une question ou d’une émotion jugée trop inconfortable. Au lieu de répondre directement, la personne se réfugie dans un sujet parallèle, plus “gérable” émotionnellement. C’est un mécanisme de protection qui soulage à court terme, mais qui empêche d’affronter la réalité et donc de progresser.
Dans notre histoire, Mamie ne répond pas sur sa santé (la question de Stéphane). Elle déplace la discussion vers l’organisation médicale (le délai des rendez-vous). C’est une façon de fuir l’angoisse d’un problème grave en se réfugiant dans un constat pratico-pratique, beaucoup moins menaçant.
Cet évitement est révélateur d’un blocage émotionnel : la peur d’affronter une vérité potentiellement douloureuse.
À partir de là, il a deux options :
- Laisser la personne dans son évitement (ce qui conforte la fuite).
- Revenir au vrai sujet pour l’aider à mettre des mots sur ce qui fait peur.
Stéphane choisit la deuxième option. Sa réaction (« Comment ça tant-pis ? ») ramène Mamie vers le cœur du problème et l’empêche de se réfugier trop longtemps dans sa fuite cognitive. C’est une façon d’inviter à regarder en face ce qu’on essaie d’éviter.
C’est intéressant, mais pas tout à fait juste, car je n’ai pas choisi la deuxième option. Il y en a une troisième qui m’est chère. Pour donner une piste à ceux qui me connaissent bien, c’est un thème qui m’est cher ! C’est si important pour moi, que la réponse de Mamie m’a immédiatement dirigé vers ce thème. Comme au ping-pong, c’est réflexe contre réflexe :
- Le réflexe de Mamie : l’évitement cognitif
- Mon réflexe : que tu peux deviner, si tu me connais bien
Alors, tu as une idée ?
Tu peux répondre à cette question, mais tu peux aussi commenter autrement notre sujet du jour (surtout si tu as des questions ou d’autres interprétations).
A++
Stéphane
PS : Souviens-toi aussi que tu peu interroger une autre forme d’intelligence qui connait bien Stéphane.
Je sèche, une autre forme d’intelligence?: logique (QI, math, science, rationnelle), sentimentale (émotionnelle), analytique (psychologique), spirituelle (charitable, vertueuse)….
Les textes en rouge sont des liens cliquables 😉
Sinon, bien joué pour les Intelligences Multiples (un thème qui m’est effectivement cher), mais ce n’est pas celui-là (en tout cas, pas dans cette étape de notre dialogue).
Ça serait pas une RUPTURE DE PATTERN ???
Bien tenté. Ca fait effectivement partie de mes outils et ma réplique suivante pourrait apparaître comme telle selon la façon dont on la lit. Mais il n’y a pas de rupture de pattern à ce niveau.
Voici mon hypothèse :
<>
Et là, elle choisit, propose qqch qui sera adapté à ses possibilités cognitives et qui ne lui sera pas imposé de l’extérieur par un grand sachant (sachem… !) Et ainsi elle pourra réfléchir à haute voix et se l’approprier ensuite
Cette méthode anti procrastination met en œuvre la participation active de Mamie ( du coaché) en lui redonnant la main sur sa vie et donc ses choix…même si le coach “voit” déjà au delà ce qui pourrait etre le mieux pour elle!
Pour le coach donc , il faut savoir refuser le statut de sauveur qui est très souvent non verbalisé et suscité par le coaché ou par la société..: moi même médecin.. rôle de sauveur tout trouvé ; mais savoir lors d’un entretien de consultation susciter la participation active du patient qui ne vivra pas ainsi comme une torture les conseils proposés, puisqu’il aura donné son accord sur le rythme qu’il choisira pour , par exemple, sevrage tabac alcool ou régime type méditerranéen pour les problèmes cardio-vasculaires ou pour l’utilisation des glucides selon leur index glycemique et l’activité envisagée en cas de diabète.
Rechercher la participation du patient à son traitement même si le résultat initial n’est pas optimal comme les guides liées des recos académiques !
Dans le relationnel médical actuel il est quasi impossible de tenir la place du grand sachant qui en fait est celle d’un bourreau et induit une réaction de victime qui peut devenir violente car beaucoup de cadres dits respectueux ont disparu et ne sont plus dans l’air du temps.
A++ jlouis
Je m’aperçois qu’il manque le début!
Voici la question de Stephane : et toi Mamie, ici et maintenant, que pourrais tu faire pour modifier cette donne ( le rdv à 8 mois de ton ophtalmologue habituel)?
La suite dans commentaire initial le 1er
On est d’accord que ce que tu dis est au centre de la discussion par la suite, mais comment nommerais-tu ça en un ou deux mots. Autrement dit : Quel pourrait être le thème de mon prochain article ?
Et lorsqu’on est conscient de ses propres biais cognitifs et qu’on sait ce que l’on craint , qu’est ce qu’on fait piyr arrêter de procrastiner ?
Dans tous les cas de procrastination, on fait un travail (sur soi) qui permet de redonner du sens à sa vie.
En coaching, j’explore les moments où la vie du coaché a eu un sens profond, en nommant les Valeurs et les Croyances qui ont vibré dans ces moments-là. Après, on construit quelque chose sur ces fondations.
les biais cognitifs sont surtout des révélateurs qui permettent de poser des outils. Et lorsqu’on en est conscient le travail d’auto-coaching est possible.
Peut-être quand mamie dit qu’il est impossible d’obtenir un rdv avant 8 mois, ton détecteur de croyances limitantes s’allume et en réponse tu ouvres (ou tu accompagnes mamie à ouvrir) un nouveau champ des possibles.
Il est vrai que le mot ‘Impossible” allume une lampe au-dessus de l’indicateur «Croyances Limitantes». Donc c’est bien joué d’y avoir penser. Ceci dit, à ce moment de la discussion (et ça se confirme à plusieurs reprises après), Mamie montre qu’elle a perdu quelque chose. Et c’est là-dessus que je vais travailler (le mot recherché désigne ce “là-dessus”).
Une posture de coaching bienveillant, où l’on invite la personne à remettre en question ses propres certitudes pour retrouver du pouvoir d’agir. Ce serait une manière subtile de contourner l’évitement cognitif sans le brusquer.
Tu chauffes !
Quand tu dis “retrouver du pouvoir d’agir”, on y est. Mais tu mettrais quel mot dessus ?
Bonjour Stéphane,
Je répondrai à ta question en utilisant un vieux livre de près de 40 ans d’âge en développement personnel : « The Seven Habits of Highly Effective People » de Stephen Covey. Je sais que je suis un poil à côté de la réponse mais c’est comme pour le schmilblick, il faut bien avancer 😊
Ton réflexe… Je pense que tu as basculé immédiatement sur la proactivité face à ce “tant-pis” de Mamie! C’est un de tes thèmes de cœur, non ?
Quand Mamie dit “Si c’est autre chose, tant-pis…”, elle adopte une posture totalement réactive au sens de Covey. Elle se positionne comme victime des circonstances : “Mon rendez-vous est dans 8 mois, c’est impossible avant, donc je subis.”
Ton réflexe de coach, c’est de la ramener dans son cercle d’influence plutôt que de la laisser camper dans son cercle de préoccupations. Face à cette résignation, tu ne peux pas t’empêcher de questionner : “Mais qu’est-ce qui t’empêche vraiment d’agir ?”
Ta troisième option est donc de challenger cette croyance limitante du “c’est impossible”. Parce que dans la vision des 7 habitudes, il y a toujours un espace entre le stimulus (le délai de rendez-vous) et la réponse (la résignation). Et c’est dans cet espace que se trouve notre liberté de choisir.
Tu as probablement envie de lui demander : “Comment pourrais-tu prendre la responsabilité de ta santé visuelle dès aujourd’hui, malgré cette contrainte ?” Ou encore : “Qu’est-ce qui serait possible si tu décidais d’être rassurée sur ce sujet ?”
C’est ton truc, la proactivité (et le passage à l’action) ! Face à l’évitement cognitif de Mamie, ton cerveau de coach s’active automatiquement sur : “Comment la ramener dans son pouvoir d’agir ?”
Je chauffe ?
A++
Ah ! Mais bien sûr !
Salut Stéphane !
J’ai complètement raté le coche dans ma première réponse ! Ton réflexe, c’est tout simplement l’amour en action !
Quand Mamie dit “Mon rendez-vous est dans 8 mois, c’est impossible avant”, ton cerveau de petit-fils aimant s’active immédiatement : “Ah bon ? On va voir ça !”
Ta troisième option, c’est de prendre les choses en main pour elle. Pas pour la challenger ou la responsabiliser, mais parce que tu l’aimes et que tu ne peux pas supporter l’idée qu’elle reste dans l’incertitude pendant 8 mois avec sa vue qui se dégrade.
C’est ton réflexe naturel : face à quelqu’un que tu aimes qui se résigne, tu passes en mode “solution”. Tu vas probablement lui dire : “Mamie, laisse-moi m’occuper de ça” et te mettre à chercher des créneaux d’urgence, appeler d’autres ophtalmos, explorer les options privées, etc.
Et paradoxalement, c’est peut-être la meilleure façon de gérer son évitement cognitif : au lieu de la forcer à affronter ses peurs, tu lui enlèves le prétexte de l’évitement en résolvant concrètement le problème du délai.
C’est beau cette combinaison coach/petit-fils ! D’un côté tes outils professionnels détectent l’évitement, de l’autre ton cœur dit : “Je vais l’aider, point.”
C’est ça ton réflexe ?
A++
Et mince, il s’agit de ta belle maman !!!
Mais j’ai eu un flash du bonheur de neige et j’ai ressenti l’amour présent dans cette histoire…et j’ai imaginé qu’il s’agissait de ta grand mère.
Une belle pensée pour la mienne qui a su m’apporter la poésie de la vie 🙂
Oui, c’est la maman de Karine, que nous appelons tout Mamie.
Mes deux grand-mères sont parties. Et ma grand-mère maternelle est également pour moi une source de poésie sans égal. Une poésie toute en actions.
Oui, aussi, mais là on parle de ma motivation personnelle. Pour redonner à Mamie son pouvoir (en tout cas tenter de le faire), c’est bien ta première réponse qui correspond au “travail” que je fais avec elle.
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A part ça, ta réponse donne le sentiment que tu n’as pas lu les articles sur lesquels nous travaillons. Je te redonne les liens :
https://aller-vers.fr/grand-public/mamie-necrira-pas-son-livre/
https://aller-vers.fr/grand-public/mamie-et-le-monstre-tentaculaire/
Effectivement, il me manquait une grande partie du démarrage !!!
Tu as classé les 2 premiers articles dans la catégorie “grand public” et ils ne sont pas accessible depuis la catégorie “Mamie Inside”…mais dans la catégorie “grand public”
Si j’ai bien lu tous les articles de la catégorie “Mamie inside”, que je me suis amusé à tester et regarder les réaction de ton IA “personnelle” sur Mamie inside (plutôt puissante), je n’avais pas tout le détail des deux premiers articles qui sont plus lourds de sens !
J’y ai fait référence plusieurs fois. Tu penses que tu ne reçois pas tout mes mails ? Ca pourrait expliquer des choses (avec d’autre lecteurs).
En lisant ce commentaire j’ai pensé exactement à la même chose !
Non. Tu ne chauffes pas, tu es au cœur du noyau. Bingo ! Tu es le premier à lâcher le mot. Mamie n’est plus proactive (vis-à-vis de sa santé). Elle est complètement en Locus Externe. La Proactivité sera bien au cœur de mon prochain article.
Bravo !
Bonsoir Stéphane,
L’interrogation avec le QQOQCP permet d’en savoir beaucoup sur Mamie et ses croyances, biais etc, tout en l’écoutant activement et en la rendant elle même active. Ensuite, lui proposer des choix multiples, par exemple choisir entre 2 horaires, l’oblige à faire un choix et passer à l’action tout en agissant en douceur pour la laisser maître de sa décision in fine. J’avais vu cela dans time coach il me semble… Voici ce que cela m’évoque. Belle soirée, Karine
“impossible? qui a décidé pour vous que ce n’est pas possible?”