Le Driver «Sois parfait !»

Dans mon précédent article, nous avons exploré les bons et les mauvais côtés du Driver «Fais Plaisir !». Nous avons vu que le but n’était pas d’étouffer sa personnalité, mais plutôt de l’équilibrer en prenant le contrôle sur quelques réflexes mentaux, afin de ne pas se laisser conduire vers un mur !

J’ai déjà quelques témoignages de lecteurs qui ont reconnu un niveau d’ancrage important du «Fais Plaisir !» chez eux ou chez leurs proches. Rien que la lecture de l’article leur a permis de prendre du recul et de réagir autrement face à certaines situations.

Aujourd’hui, intéressons-nous à un autre Driver particulièrement présent dans notre société :

Le Driver «Sois Parfait !»

On apprécie les personnes qui obéissent au «Sois Parfait !» pour leur rigueur et leur quête d’excellence. Lorsqu’il s’agit d’envoyer une fusée sur la Lune ou d’opérer un cœur, mieux vaut s’appuyer sur quelqu’un qui ne laisse rien au hasard. Les métiers de haute précision, de responsabilité ou de création complexe gagnent à accueillir ce type de profil. Les «Sois Parfait !» y excellent naturellement, à condition que leur niveau d’exigence ne devienne pas une source de souffrance pour eux ou pour les autres.

Par exemple, Sophie (une cliente) avait pour habitude de corriger les fautes d’orthographe de ses collègues en leur envoyant la liste de leurs erreurs (comme on le fait à l’école). Jusqu’au jour où elle a reçu un document d’une collègue, précédé de ce message :

 «Tu es priée d’attacher de l’importance au sujet que je traite dans ce dossier, et non aux fautes d’orthographe. J’ai tout fait pour les corriger. S’il en reste, corrige les discrètement, mais réponds aux vraies questions qui correspondent à la raison pour laquelle tu travailles avec nous !»

Sophie a eu beaucoup de mal à garder pour elle l’oubli du tiret qui aurait dû relier «corrige» à «les». Mais ce qui l’a le plus marquée, c’est de constater à quel point son biais de focalisation pouvait irriter son entourage. Lorsqu’elle m’a contacté, son objectif de coaching était de rendre ses interactions plus agréables, tant au bureau qu’à la maison.

C’est ce qui sauve les « Sois Parfait ! » : ils savent qu’ils peuvent parfaire les choses, y compris leurs propres traits de caractère. On trouve beaucoup de «Sois Parfait !» parmi celles et ceux qui s’intéressent au Développement Personnel. D’ailleurs, cela pourrait bien expliquer la raison pour laquelle tu es en train de me lire…

Les comportements extrêmes à éviter

La formule préférée du «Sois Parfait !» extrême est sans aucun doute :

Peut mieux faire !

Cette pensée, souvent ancrée par l’Education Nationale peut donc piloter ses actions, au point de transformer une liste de courses en dictée…

Le «Sois Parfait !» extrême se dévoue corps et âme pour la perfection… Mais comme la perfection n’existe pas, l’obsession de ce Driver conduit au stress, à une charge mentale élevée, et surtout à une insatisfaction chronique qui fait percevoir chaque petite erreur comme un échec cuisant. Cette obsession génère de la frustration lorsqu’on projette cette exigence sur les autres, perçus alors comme trop laxistes ou négligents, ce qui détériore les relations humaines.  

Les «Sois Parfait !» extrêmes sont aussi des champions de la procrastination. Leur perfectionnisme les éloigne souvent de l’objectif principal, les poussant à passer des heures à peaufiner des détails sans véritable valeur ajoutée pour leurs projets.

L’auto-sabotage s’infiltre également dans leurs actions. Le but caché est de tout casser pour mieux recommencer !

Si ces actions aboutissaient à une véritable satisfaction, cette tension serait tolérable. Mais je n’exagèrerais pas en affirmant que l’expression «Éternels insatisfaits» a été inventée pour eux…

Les formules ressassées par les «Sois Parfait !» extrêmes ressemblent à ceci :

  • Ce n’est pas assez […]
  • Il doit y avoir encore une erreur qui traine quelque part.
  • On va ajouter des sources et des références pour que ce soit plus crédible.
  • etc.

Les «Sois Parfait !» extrêmes ont tendance à dévaloriser ce qui ne correspond pas à leurs critères, même lorsque tout fonctionne correctement. Résultat : leurs collègues finissent par se sentir inefficaces, sous-évalués et découragés. Le climat de travail devient pesant. Le turn-over dans les équipes managées par ce type de profil peut atteindre des sommets.

Paradoxalement, les «Sois Parfait !» sont des personnes moralement admirables, dotées d’une grande profondeur de réflexion et d’une loyauté sans faille. C’est comme si, pleinement conscients de leurs excès, ils tentaient de compenser par leur humanité sincère et bienveillante.

Cela rend les situations professionnelles délicates : même lorsqu’une collaboration devient toxique, il est difficile de se détacher d’une personne aussi consciencieuse et bien intentionnée. On culpabilise à l’idée de tourner le dos à quelqu’un de fondamentalement bon.

Pistes à explorer

Le meilleur investissement qu’un «Sois Parfait !» pourrait faire, c’est d’apprendre à distinguer l’essentiel de l’accessoire. L’essentiel mérite leur persévérance, tandis que l’accessoire ne devrait générer aucune obstination.

Le «Sois Parfait !» doit aussi veiller à limiter l’auto-critique, car une fois le travail terminé, la moindre remarque extérieure peut réactiver sons sentiment longuement ressassée. Par exemple, un auteur qui publie un livre en sachant qu’un passage ne le satisfait pas entièrement (mais qu’il laisse tel quel pour respecter les délais) gardera cette imperfection en tête. Si un lecteur évoque justement ce passage, cela fera violemment écho à sa propre critique intérieure. L’évocation sera déformée et amplifiée par son Driver, au point de mettre mal à l’aise celui qui a osé s’exprimer, sidéré de voir sa simple remarque dégénérer en véritable drame.

Enfin, il est bon pour les «Sois Parfait !» de se nourrir d’histoires inspirantes où l’imperfection devient une opportunité. Ces récits ont le pouvoir de les libérer lorsqu’ils sont envahis par le doute. Il faut toutefois que l’histoire soit vraie, car dans les moments de stress, les histoires métaphoriques sont souvent lues au premier degré. Pour un «Sois Parfait !» stressé, une chèvre qui parle à un âne, c’est juste une histoire stupide !

Voici une histoire vécue, que j’aime beaucoup raconter lors de mes séances de coaching :


Lorsque ma fille avait 5 ans, elle est tombée sur un trottoir et a perdu ses deux dents de devant. Il s’agissait de ses dents de lait, mais les définitives n’allaient pas repousser avant deux longues années. Elle allait donc vivre avec cette imperfection, et pensait devoir renoncer à son rêve : jouer dans des films ou des publicités.

Quel réalisateur voudrait d’une petite actrice édentée ?

Malgré les doutes, nous l’avons accompagnée dans les castings auxquels elle était déjà convoquée. Elle s’y est rendue avec peu d’espoir, et pourtant, c’est précisément sa frimousse édentée qui a séduit l’un des réalisateurs de la série «Nos chers voisins». Elle correspondait précisément à l’image qu’il se faisait du personnage de Marie-Camille, que Lévanah a interprété pendant plus de quatre ans, tout en continuant à se présenter à d’autres castings… avec le sourire.


A++
Stéphane SOLOMON