L’effet nocebo

Ce devait être dans les années 95-96. Je n’étais pas encore coach, en tout cas pas officiellement. Je travaillais pour une société de routage en tant que commercial, tout en réservant un temps important à l’innovation du service. J’avais mis en place un système (informatique) qui permettait d’envoyer un devis avant même que la conversation téléphonique soit terminée.

Mon patron m’a demandé de montrer aux autres commerciaux comment faire. Nous étions 4 à rester tard : Vincent, Gérard, Mario et moi.

Je décide de commander des pizzas pour tout le monde. J’appelle Pizza Hut pour nous faire livrer. Une fois nos pizzas englouties, j’étais prêt à reprendre ma formation-maison lorsque Gérard me dit :

– Excuse-moi, je dois aller aux toilettes, je reviens dans 5 minutes…

Nous avons repris quelques banalités en attendant 25% de l’équipe, quand soudain, le téléphone a sonné :

– Oui… Bonjour, c’est Fabio de Pizza Hut, je vous appelle parce que nous venons d’apprendre que certains de nos clients ont fait une intoxication alimentaire. Comme vous avez commandé des pizzas ce soir, je vous conseille d’aller dans un service d’urgence le plus vite possible. Ça a l’air grave !

– Euh… C’est quoi, c’est la pâte, les merguez, les légumes ?

– En fait, on n’a pas de piste pour l’instant. La pâte, ça m’étonnerait, mais ce sont peut-être les légumes qui sont frelatés. En tout cas la réaction est rapide. Il y a déjà quelques dizaines de cas graves.

Je commence à me sentir mal… J’explique la situation à Vincent et Mario, et je devine que Gérard (qui est aux toilettes) vit les premiers effets de l’intoxication. Mario se met à trembler et me dit :

– Je sentais qu’elle n’était pas nette cette pizza !

Vincent court vers la fenêtre pour prendre un bol d’air. Il est tout pâle… Je raccroche et je commence à prendre mes affaires. Un vertige se manifeste dès que je me baisse…

Le téléphone sonne à nouveau :

– Je vous ai bien eus bande de nazes ?!

C’était Gérard en mode MDR. Il est fier de son canular, et j’avoue qu’il a été génial dans le rôle du correspondant de Pizza Hut en pleine confusion… D’ailleurs, je ne tarde pas à le féliciter :

– Gérard !!! Mais t’es un génie ! J’ai plongé !

J’ai toujours été passionné de psychologie et de Développement Personnel, et je venais de vivre une démonstration brillante d’une hystérie collective à taille humaine…

Vincent retire les deux doigts qu’il s’était enfoncé dans la gorge et Mario essuie la sueur qui s’était amassée sur son front. Nous y avons cru, et si cette Croyance avait subsisté 5 minutes de plus, Vincent aurait vomi, Mario nous aurait fait un malaise (vagal), et j’aurais certainement mal tourné… Tous les symptômes de l’intoxications alimentaire étaient là ! Comme si c’était vrai…

Effet nocebo

On sait aujourd’hui, que beaucoup de gens qui se font prescrire des médicaments et qui lisent attentivement la notice, préfèrent éviter de se soigner ! La liste des effets secondaires est très anxiogène. Ils attendent donc que ça passe tout seul…

Pire, il y a ceux qui prennent les médicaments et qui lisent la notice après ! Certains d’entre eux se retrouvent aux urgences, et lorsqu’on leur demande de quoi ils souffrent, ils énumèrent la liste des effets secondaires qu’ils ont lue quelques heures plus tôt. Ils ne mentent pas ! Ils ressentent réellement les malaises en question. On appelle ça «l’effet nocebo» (même principe psychologique que le placebo, mais avec des effets désagréables).

Plus grave encore : si un diabétique subit un tel stress, sa glycémie en sera affectée. Il en va de même pour toute personne atteinte d’une affection sensible aux émotions. Un nocebo peut provoquer un malaise cardiaque (véritable). D’ailleurs, Gérard (mon collègue blagueur) a pris un gros risque, car il ne connaissait pas notre état de santé.

Application pratique, ici et maintenant

Actuellement, nous vivons une situation sanitaire et sociale compliquée. Beaucoup de gens ne veulent pas se faire vacciner contre le covid. Chez certains, il s’agit d’un combat idéologique, chez d’autres, c’est surtout la peur qui s’exprime… Beaucoup d’informations alarmantes circulent à propos de ce vaccin.

Je suis vacciné, et j’entends régulièrement que je vais bientôt regretter ma décision ! Sur quoi se basent ces prédicateurs ? Des «on dit», des coïncidences, et des pulsions créées par ce que Jung appelait «nos zones d’ombre». Nos zones d’ombre nous mènent (entre autres) à critiquer des décisions  que certaines personnes ont prises, alors que nous n’osons pas les prendre. C’est une forme de «jalousie inconsciente», et elle est très bavarde.

Je comprends les personnes qui ne veulent pas se faire vacciner, car j’ai aussi hésité avant de passer à l’acte. J’ai des techniques de prise de décision (que je suis prêt à partager avec celles et ceux qui le souhaitent). Elles me permettent de distinguer mes Croyances des Faits, sans exclure l’idée de prendre mes décisions basées sur des Croyances. Dans ce cas, je le fais en toute conscience. Je ne prétends jamais (jamais plus depuis une bonne dizaine d’années) que mes Croyances sont des Faits.

Je m’informe là où l’information se trouve, j’interroge des spécialistes à propos des rumeurs, et j’obtiens toujours des réponses claires lorsque je doute. Certaines de ces réponses ne m’arrangent pas du tout, car elles viennent bousculer mes opinions.

Et tout ça, c’est prodigieux ! Ca montre à quel point nous sommes complexes. Lorsque je propose mes techniques dans un Formation ou dans un Coaching, je vois à quel point chaque être humain est unique et sublime.

Proposition de coach

Depuis que les décisions politiques laissent un sentiment d’obligation, beaucoup de gens vont dans les centres de vaccination la peur au ventre… L’effet nocebo s’installe, et nous n’en sommes qu’aux prémices, car les vacanciers voulaient profiter des beaux jours avant de prendre leur décision.

Lorsqu’une alerte est lancée suite à une véritable investigation, c’est une bonne chose. Elle peut être salvatrice. Mais diffuser n’importe quelle ineptie parce qu’elle fait du bien à nos opinions peut provoquer des troubles chez de nombreuses personnes, en particulier si elles se sentent obligées de se faire vacciner.

Vivre Ensemble, c’est aussi savoir respecter, voire apprécier nos différences d’opinion en période de crise. Informer et influencer son entourage est naturel pour des êtres grégaires. Il n’y a donc aucun mal à en discuter et à s’affirmer. En revanche créer du mensonge ou le diffuser, a toujours été initiateur de chaos.

Une rumeur, une objection de conscience ou un témoignage personnel n’est pas une notice établie suite à une recherche clinique incluant plusieurs millions de patients. Si tu veux prendre une décision avisée à propos du vaccin, il est très important de faire le tri dans les informations que tu reçois, en particulier si tu fréquentes les réseaux sociaux, où les gens partagent allègrement des Croyances qui ne valent pas mieux que des superstitions, tout en affirmant qu’il s’agit de faits vérifiés.

Nous n’avons pas tous la même capacité émotionnelle à faire face à ce virus, aux confinements, aux couvre-feux, au pass sanitaire, au QR code… Combien de victimes peut faire une information alarmante, si au bout de 5 minutes personnes ne vient dire aux tremblotants :

– Je vous ai bien eus bande de nazes ?!

La question mérite d’être posée…

A++

Stéphane SOLOMON