Un conte de Noël

(Republication d’un article écrit en décembre 2013)

Ma fille ne croit plus au Père-Noël depuis quelques semaines… Nous avons tout fait pour l’aider à y croire encore une année de plus, mais elle est tombée sur des briseurs de rêves… Quelques camarades de classe ont décidé de lui donner une leçon de désillusion : ils lui ont donc expliqué comme s’organisait la mascarade, et lui ont même proposé quelques techniques pour débusquer les imposteurs…

Evidemment, cette année sa liste était moins fournie que celle de l’année dernière. C’était une liste raisonnable… Elle l’a bâclée pour nous faire plaisir, puis elle est allée bouder dans sa chambre, préférant ne pas en discuter avec ses petites sœurs. Elle savait que le cœur lourd, elle pourrait lâcher le morceau…

C’est ainsi lorsqu’une croyance se perd : les objectifs deviennent moins ambitieux et moins personnels. A force de ne plus croire en rien, on finit par exécuter les objectifs des autres, soit pour leur faire plaisir, soit parce qu’on s’y sent contraint. Mais le cœur n’y est plus…
On ne croit plus au Père-Noël !

Les briseurs de rêves

As-tu déjà eu à faire à des briseurs de rêves ? Je ne parle pas de petits enfants, mais d’adultes qui profitent de la moindre faiblesse pour te forcer à ne plus y croire ! Tous ceux qui ont créé leur entreprise (ou qui ont tenté de le faire) savent de quoi je parle. Plus ils s’enthousiasmaient, plus on venait piétiner leurs croyances :

– Mais c’est la crise ! Tu vas te planter !
– Tu vas te ramasser comme ton cousin !
– Tu ne verras plus tes enfants grandir, tu ne penseras qu’à l’argent !
– Tu n’as pas intérêt à gagner plus que ton mari, beaucoup de couples se sont brisés à cause de ça !
– Tu n’est pas fait pour ça, tu le sais bien !

Waouw ! En sortant d’une discussion avec eux on est recadré à vie. Il ne reste plus qu’à trouver un poste quelque part, et à obéir à ceux qui rêvent encore…

L’assurance «bris de rêve»

Je vais te donner une technique qui te permettra de maintenir tes rêves face à ceux qui tentent de te les briser ! Mais je ne vais pas le faire de façon académique. Je vais le faire sous forme de dialogue. Un dialogue qui dans la vraie vie, m’a coûté environ 2 heures. Mais quel bel investissement !


Ma fille boudait donc dans son coin… Sachant qu’elle est capable de le faire pendant des heures, j’ai décidé de changer ça. Je me suis donc invité dans son univers, dans lequel je n’étais, apriori, pas le bienvenu :

– Tu boudes ?

– Non, ça va !

– Tu boudes !

– Oui, mais tu ne pourras rien changer, alors laisse-moi tranquille !

– Pourquoi ? J’ai déjà réussi à te rendre le sourire plein de fois…

– Les autres fois ce n’était pas de ta faute… Mais aujourd’hui, c’est à cause de toi !

– Seulement à cause de moi ?

– Toi et maman !– Alors tu sais quoi ? Je ne vais pas essayer de me défendre, parce que tu vas croire que je le fais pour moi. Mais je vais défendre maman ! Tu me permets de prendre la défense de la femme de ma vie ?

– Si tu veux !

Ma fille me raconta ce qu’elle reprochait à sa maman (et à moi) : nous étions des menteurs ! Elle nous a crus, et elle était devenue la risée d’un groupe d’amis. Elle a tenté de résister, mais ils lui ont expliqué comment dépister le mensonge, et déjouer nos stratégies. Elle s’est très vite rendue compte que ses camarade lui disaient la vérité, alors que ses parents essayaient de la mener en bateau…

J’ai pris ma posture de coach et je lui ai dit :

– Tes amis t’ont expliqué COMMENT-FAIRE pour nous débusquer… Mais est-ce qu’ils t’ont dit POURQUOI ?

– Pour que je sois plus intelligente !

– Ah bon ? Ils t’ont dit ça ??? Quel mot ont-ils employé le plus souvent ? Le mot «bête» ou le mot «intelligente» ?

– Ils m’ont dit que j’étais bête de croire encore au Père-Noël ! Ils se sont moqués de moi, et après, ils m’ont expliqué comment faire pour découvrir la vérité.

– Donc tu ne sais pas POURQUOI ils ont fait ça. Tu supposes que c’est pour te rendre intelligente, mais ce n’est pas ce qu’ils t’ont dit.

– Non…

– Et tu ne sais pas non plus POURQUOI maman et moi t’avons menti. Tu supposes que c’est parce qu’on te croit bête, mais est-ce que tu nous as entendus te dire une seule fois quelque chose du genre «tu es bête !» ?

– Non…

– Si tu n’arrives pas à pardonner à notre façon d’agir, tu vas peut-être nous pardonner pour notre raison d’agir… Mais parlons un peu de la raison de tes «amis» : tu penses vraiment qu’après t’avoir dit que tu étais bête, ils voulaient te rendre intelligente ?… Tu crois vraiment qu’ils ont agi dans ce but ?

– Alors POURQUOI ?

– Tu es prête à l’entendre ?

– Oui !

– Parce qu’il y a quelques mois, peut-être même quelques jours, ces petits malins croyaient encore au Père-Noël ! Et lorsqu’ils ont découvert la «vérité», ils se sont sentis bêtes ! S’ils se sont acharnés sur toi, ce n’est pas pour te rendre intelligente, mais parce qu’ils avaient besoin de se sentir intelligents !

– Mais le Père-Noël n’existe pas !

– Viens avec moi !

Nous avons de la chance en France, car la nuit tombe tôt en hiver. Il était à peine 17h30, et les décorations urbaines commençaient à s’illuminer. Partout, il y avait écrit «Joyeuses Fêtes ! », «Joyeux Noël»… En faisant un tour en voiture avec ma fille au centre-ville, nous avons compté au moins 40 décorations qui représentaient le Père-Noël, un traineau, des rennes… Ensuite, je me suis rendu au magasin de jouets qui se trouve à 2km de la maison. Plus de 20 personnes faisaient la queue à chaque caisse !

– Tu vois tous ces gens ? Ce sont des parents qui viennent acheter des cadeaux à leurs enfants. Vois-tu un enfant de moins de 8 ans avec eux ? Pas un seul ! POURQUOI ?

– Parce qu’ils ne veulent pas qu’ils sachent que c’est ici qu’ils achètent leurs cadeaux… Ils veulent que leurs enfants croient au Père-Noël ?

– C’est ça ! Tu vois ce papa qui a une cravate bleue à rayure ? Aujourd’hui il est sorti plus tôt du bureau. D’habitude il n’a pas le temps de se promener dans les rayons. Mais aujourd’hui, il a PRIS LE TEMPS. S’il ne trouve pas l’un des cadeaux qui est sur sa liste, il ira à Champigny, S’il ne trouve pas à Champigny, il ira à Paris, ou alors il téléphonera à son frère qui habite près d’un magasin de jouets… Et s’il ne trouve toujours pas, il commandera sur Internet…  Et même si le cadeau arrive en retard, il racontera que le Père-Noël l’a déposé dans le jardin et que personne ne l’a vu avant… Mais il va finir par y arriver ! Tu crois qu’il fait ça juste mentir à ses enfants ? Moi ça me paraît trop !…

Nous sommes entrés dans le magasin. En arrivant devant le rayon des jouets de son âge, j’ai commencé à ralentir (oui, je suis un manipulateur !). Ma fille tira un jouet qui permet de «faire la cuisine comme un chef» !

– Ca c’est vraiment super comme cadeau, me dit-elle !

– Ah oui !!! Je suis sûr que ça fera un beau cadeau pour ta sœur…

– Et moi ???

– Toi tu ne crois plus au Père-Noël. Ta sœur y croit encore !

– Mais…

– Sois intelligente, ma fille… Tu sais bien que tout ça : ces couleurs, ces emballages, ces lumières, ces parents qui courent dans les rayons, ces vendeurs débordés… C’est un gros mensonge ! C’est fait pour les gens bêtes ! Nous on peut passer devant tout ça et nous moquer d’eux, parce qu’on connaît la vérité !

– Mais TOI ! Toi, tu peux m’offrir un cadeau…

– MOI ?

– Ben oui !

– Mais moi… Moi… Je n’ai pas assez d’argent pour ça… Et puis moi, je n’ai pas le temps… Et puis j’ai la flemme de faire des emballages… Et je me demande pourquoi je suis sorti, alors qu’il fait si froid dehors… Et puis tu sais que j’ai horreur de faire la queue… Ah non, vraiment, là, c’est au-dessus de mes forces ! Je n’ai pas assez d’énergie pour ça. On va gagner du temps et de l’argent en prenant la sortie sans achats !

– Arrête !!! D’accord ! Je crois au Père-Noël !

– Tu en as marre d’être intelligente ?

– Oui !

– Tu es prête à faire comme si c’était VRAI ?

– Oui !

– Alors tu auras un VRAI cadeau… Tu vas l’emballer toi-même, et tu vas te l’offrir à Noël !

A chaque saison, son Energie…

Sur le chemin du retour, j’ai expliqué le principe de l’Energie à ma fille… Je lui ai dit que parfois, même à bout de force, même si l’aventure parait compliquée ou bête ou inutile… On peut trouver en soi la force d’y croire encore ! Je lui ai également expliqué le principe de l’Energie Collective : celle qu’on trouve dans des lieux comme les salles de sport, les bibliothèques, les lieux de culte, les salles de conférences, l’école, les stations de ski, les villages de vacances… Toutes ces Energies qui permettent d’agir dans un sens précis, parce que tout le monde est là pour la même raison…

Je lui ai expliqué que le Père-Noël était une énorme Energie Collective, mais que les petits enfants (et beaucoup d’adultes) ne savent pas ce qu’est l’Energie, ou n’osent pas en parler parce que ça ne se voit pas… Alors puisqu’ils ont besoin de voir pour y croire, on leur a inventé un petit bonhomme au chapeau pointu, et on l’a habillé en rouge. Lorsqu’ils commencent à se demander comment un homme seul peut faire autant de choses, on leur dit qu’il est aidé par des petits lutins.

Puis je lui ai avoué que je croyais au Père-Noël ! C’est le nom que je donne à l’Energie du début de l’hiver. J’aurais pu l’appeler «Chakra Anahata», mais je l’ai appelé Père-Noël… Il suffit d’y croire pour en profiter, et en faire profiter ceux qu’on aime.

Lorsqu’on croit en quelque chose, on en bénéfice. Lorsqu’on n’y croit pas, les chances d’en tirer un quelconque profit sont minces…

On ne peut à la fois bouder le Père-Noël, et lui demander de vider sa hotte sous notre sapin. Mais ce qui réduit nos chances à néant, c’est de décourager ceux qui y croient encore.

Le soir de Noël, ma fille décida de nous aider à maintenir le rêve de ses deux petites sœurs. Jamais nous n’avons eu une aide aussi précieuse : quelques minutes avant minuit, un traineau traversa le ciel… Puis ce fut le tour des lutins qui couraient dans le jardin. Enfin, lorsque le Père-Noël (qui avait les mêmes chaussures que leur grand cousin) arriva avec sa barbe blanche et son chapeau pointu, elle les rassura, leur montrant que cette année, elle n’avait pas peur… Nous avons pris une belle photo.

En fin de soirée, ma fille vint nous remercier discrètement pour ses cadeaux, sur lesquels elle posera désormais un nouveau regard. Je l’ai prise dans mes bras, et tout en l’embrassant je lui ai dit :

– Tu sais que tu nous as fait un beau cadeau toi aussi ?

– Ah bon ?

– Oui…Tu nous as offert ton intelligence !


Bonnes fêtes de fin d’année à toutes et à tous !!!

Stéphane SOLOMON