Le bonheur négatif

Il y a quelques années, en allant faire des courses, j’ai entendu un enfant dire à sa maman :

  • J’aime beaucoup la canicule, parce que quand je bois, je sens vraiment que ça fait du bien !

Nous connaissons tous cette sensation d’apaisement après une grande soif. L’eau nous paraît particulièrement bonne, car le corps en a grandement besoin et la moindre gorgée semble répondre à un appel qui vient de loin. C’est effectivement le cas, car lorsque notre soif atteint ce niveau, c’est soit parce que nous avons oublié de nous hydrater, soit parce que les conditions climatiques nous ont pris de court…

D’un point de vue purement physiologique, cela ne représente aucun danger. Du moment que la personne est capable de boire par ses propres moyens, le corps tient bon… Cependant le danger est psychologique : il tient en cette sensation agréable après la souffrance, qui peut amener les personnes qui l’apprécient à se mettre volontairement en déshydratation pour apprécier l’apaisement.

Ceci ne concerne pas uniquement la soif (à ce stade de ta lecture j’aimerais que l’anecdote initiale devienne une métaphore), cela concerne tout sentiment de soulagement précédé d’une souffrance volontaire. On en vient à «aimer la canicule», et un comportement à risque s’installe…

Je vais te donner deux exemples équivalents pour t’aider à mieux comprendre ce concept :

1. Lorsqu’on te masse, il t’arrive parfois de ressentir un soulagement incroyablement bienfaisant envahir tout ton corps. Ceci vient du fait que tes muscles ou tes articulations ont été mis à mal trop longtemps, sans posture réparatrice régulière. C’est comme ce petit garçon qui ne s’est pas hydraté régulièrement et dont le verre d’eau répond à une certaine détresse. Beaucoup de gens aiment cette sensation de douceur après la douleur… A tel point que sans s’en rendre compte ils en viennent à la provoquer. Oui… Il y a un phénomène inconscient qui amène certaines personnes à provoquer des douleurs des raideurs et même des blessures, pour «bénéficier» de ce soulagement extrême après la souffrance. Ils en font une habitude, alors qu’un changement de posture, de siège, de façon se lever, pourrait leur éviter la souffrance. Mais ils seront privés du «bonheur» du soulagement particulièrement addictif.

2. Certaines personnes sont régulièrement fauchées à la fin du mois. Leur soulagement apparaît au moment ou la paie tombe et où toute la pression redescend soudainement. Les appels stressants (parfois les menaces) disparaissent, les promesses de paiement sont tenues, le frigo se remplit…  Même le cinéma paraît soudainement être une option acceptable, alors qu’une semaine avant, ils pensaient à revendre leur télé… Quel soulagement ! C’est à tel point que leur comportement vis à vis de l’argent sur les 20 jours qui suivront, vont tendre à provoquer la douleur, afin de renouveler l’expérience. Je ne parle pas de gens qui vivent dans une profonde misère. Je parle de ceux qui craquent sur le nouveau modèle de téléphone parce que l’offre est alléchante, et qui font une double «bonne affaire» : un nouveau téléphone provoquant un bonheur de très courte durée, puis une souffrance financière accrue, suivie d’un soulagement équivalent à un shoot de cocaïne.

Allez ! Un troisième exemple : chez certains couples la reconciliation est si délicieuse, que le conflit devient un premier pas vers le bonheur…

Je pourrais continuer sur des centaines d’exemples car la liste est longue.

Viktor Frankl raconte, après 3 ans de captivité dans un camp de concentration, que beaucoup de prisonniers ressentaient un véritable bonheur lorsque le soir tombait et qu’ils se rendaient compte qu’ils n’ont pas été battus de la journée ! Une véritable bénédiction… Et lorsqu’un geôlier était sur le point de les rouer de coups et qu’il était appelé d’urgence avant de commencer, ils assimilaient ce moment à un miracle !

Après avoir survécu aux camps de la mort, ce psychologue de renom, père de la Logothérapie, a nommé cela «LE BONHEUR NÉGATIF». Toute proportions gardées, il a remarqué que ce bonheur de non-souffrance ou de souffrance soulagée, était ressenti au quotidien par chacun d’entre nous.

Mais le pire des comportements est d’être à la fois bourreau et victime, et d’en prendre l’habitude. Je me souviens d’un client qui ressentait un tel bonheur à l’approche des vacances, qu’il en pleurait ! Il travaillait 11 mois d’affilée dans un environnement où rien ne lui plaisait, pour s’offrir un mois de vacances de rêve…

  • Ne serait-il pas plus judicieux de choisir un métier dans lequel tu t’éclates, et qui te donne envie de sauter du lit tous les matins ?
  • Oui mais moi j’aime voyager !
  • Il existe des métiers qui font voyager.
  • C’est vrai…

Le Bonheur, cet état que tout le monde veut atteindre, est constitué de plusieurs bonheurs dans différents domaines, qu’il convient de gérer de façon à ce que chaque axe de ta vie soit toujours positif, et surtout, indépendant de son revers négatif… Il ne s’agit pas de ne pas être malade, mais d’être en forme. Il ne s’agit pas de ne plus faire la guerre, mais de vivre en paix. Il ne s’agit pas de tomber dans la béatitude face à une dépense plus petite que prévu, mais de générer un Chiffre d’Affaires qui permet de s’offrir des moments de plaisir. Il ne s’agit pas d’agir par contrainte pour se rassurer avec un proverbe du type «Toute peine mérite salaire», mais d’agir chaque jour avec un enthousiasme grandissant, accueillant l’abondance avec Gratitude. 

Le bonheur négatif est un ressenti. En ce sens, on peut le comparer à d’autres formes de bonheurs, le temps de sortir de la spirale descendante. Mais il convient de se poser une question simple :

  • Bien que j’aie ressenti du bonheur, est-ce bien le Bonheur auquel j’aspire ?

Et bien souvent, la réponse nous permet de visualiser le niveau supérieur et de dessiner les contours du vrai Bonheur. Voilà une transformation intéressante du bonheur négatif : il devient une source d’Energie pour innover sa vie.

A++
Stéphane