Le Télétravail et moi, et toi…

En 1994, j’étais gérant d’une petite entreprise de formation en informatique. Mes affaires florissaient et j’avais envie de passer au niveau supérieur. J’employais à l’époque 3 formateurs à temps plein et quelques vacataires, et je leur ai présenté mon projet :

Le Télélocal

L’idée est nord-américaine, et le nom est québécois. Le principe est novateur pour l’époque : louer un local dans une zone où l’emploi est rare (de préférence des zones rurales), équiper ce local en NTIC (Nouvelles Technologies d’Information et de Communication), et proposer aux entreprises des grandes métropoles d’embaucher des employés qui viendront travailler dans ce Télélocal. Ces employés qui habiteront donc à 10 minutes (maximum) de leur lieu de travail seront formés régulièrement par mon équipe de super-formateurs afin d’être pleinement efficaces. En cas de problème, ils pouvaient compter sur un support technique de haut niveau et d’un matériel de remplacement quasi instantané.

L’idée a plu sur le papier, et nous nous sommes lancés. Pour commencer en douceur, nous avons déménagé nos locaux de Paris à Esbly (un petit patelin dans le 77) et avons commencé les entretiens d’embauche, car j’ai pris le risque d’embaucher moi-même les premiers salariés et de louer leurs services entre différents clients. Parallèlement, nous équipions les premiers clients avec un ordinateur contenant des logiciels de Communication et d’un Modem.

Je vous parle d’un temps que les moins de 26 ans ne peuvent pas connaître… Internet n’était pas encore déployé en France, peu d’entreprises connaissaient l’e-mail, et si des logiciels tels que «Lotus Notes» affirmaient leur efficacité au sein des grosses structures, il s’agissait principalement de messages internes dans un même immeuble. L’échange de données à distance était extrêmement rare.

J’ai embauché 6 personnes en respectant une belle parité. 7 semaines plus tard, tout le monde était formé à l’essentiel des logiciels bureautique ET sensibilisé au Développement Personnel. Les exercices pratiques étaient livrés par les premiers clients qui avaient souvent des besoins triviaux (traductions, Mises en page, tableaux à automatiser, etc.). Ainsi, j’avais une équipe autonome dans son apprentissage, communiquant efficacement, s’entraidant volontairement, se fiant régulièrement à son intuition, présentant les problèmes rencontrés avec des solutions réutilisables, et surtout, personne ne se plaignait !

C’est ainsi que le Télélocal 77 a commencé son ascension. Malheureusement les fortes pluies de la fin de l’année ont provoqué une inondation dont tous les habitants de la ville doivent encore se souvenir (les gens circulaient en barque) et les travaux de restauration de l’électricité et des lignes téléphoniques ne semblaient pas urgents pour la commune qui a préféré privilégier le centre-ville.

Lorsque j’ai réuni mon équipe un mois plus tard pour reprendre le travail, il n’y avait presque plus de travail confié et beaucoup de demandes de remboursement (les principaux clients avaient pris un abonnement annuel). J’ai payé les salaires grâce à mon activité de Formation et à mes économies, et j’ai proposé un licenciement économique à tout le monde, pour reprendre une activité en solo.

Il m’a fallu 3 ans pour digérer la défaite, mais avec du recul j’en garde un bon souvenir : dans mon équipe, personne ne s’est plaint, personne ne m’a trainé aux Prud’hommes, tout le monde était désolé de ne pas pouvoir poursuivre. 4 employés sur 6 ont créé leur boite et les 2 autres ont vite retrouvé un emploi. J’ai reçu un beau témoignage écrit de l’un des employés, nouvellement employeur, et un retour de l’employée la plus âgée de l’équipe (46 ans), qui a croisé l’un de mes associés à La Poste et qui lui a dit :

– Dans ma vie, il y a eu un avant et un après-Stéphane. L’après est beaucoup plus confortable. j’ai enfin appris à travailler !

Mes expériences en matière de Télétravail ne se sont pas arrêtées là. Fin 95, j’ai écrit le dossier central d’un magazine d’informatique (Micro-Systèmes) qui expliquait comment travailler distance. Si toute la partie technique été gardée, ils ont supprimé ce qui concernait l’Attitude du Télétravailleur et l’Organisation qu’il devait mettre en place. Grosse erreur ! Si La France a pris tant de retard dans ce domaine dans les années qui ont suivies (lors de l’avènement d’Internet), c’est parce que tout le monde focalisait sur la technique…

Heureusement pour moi comme pour elles quelques grosses entreprises ont saisi l’importance liée au comportement de l’employé plus qu’à ses compétences techniques, et ils faisaient appel à moi pour former leurs équipes de télétravailleurs. Tout ce beau monde travaillait à la maison, mais je n’ai jamais abandonné l’idée de recréer un Télélocal. J’ai failli prendre part à un projet à Noirmoutier avec le soutien de quelques entreprises et des collectivités locales, mais j’ai bien fait de me retirer à temps…

En 1998, j’ai créé virtuatw.com, un site qui proposait de mettre en relation des entreprises à prêtes à télétravailler avec des télétravailleurs. C’était une sorte de LinkedIn entièrement consacré au télétravail, bien avant LinkedIn.

C’est avec plaisir que je partagerai quelques idées, quelques outils, ainsi que mon point de vue sur la question du Télétravail, ce soir à 18h30, lors d’un webinaire entièrement consacré à ce sujet.

Ce webinaire à entrée libre se clôturera par un Pay What You Want (Payez ce que vous voulez)

A tout à l’heure,

Stéphane