Sketch…

Roméo prend rendez-vous avec son coach, et lorsque celui-ci lui demande un premier jet de son objectif (sans méthode), Roméo écrit ceci :

«Je ne veux plus me réveiller la nuit pour bouffer, parce ma femme se moque de mon poids et ça me met en colère. Alors je bouffe encore plus pour me calmer, et ça fait des années que ça dure… Y en a marre ! Je veux lui montrer de quoi je suis capable !»

Le coach entame alors le dialogue :

– Ah… Je te propose de tester la Valériane et la Passiflore : deux plantes médicinales qui te permettront de dormir des nuits entières.

– Et alors ?

– Je lis que ton objectif est de ne plus te réveiller la nuit… Oups ! pardon… Je viens de comprendre : tu veux que je t’aide à trouver un moyen de hacker le cerveau de ta femme pour qu’elle trouve une autre source de distraction que ton gros ventre ! C’est ça ?

– Ben non !

– Ah oui ! Ca y est ! Tu veux contrôler ta propension à te laisser aller à la colère ! J’ai bon ?

– M’enfin… L’objectif est clair ! Je veux perdre du poids ! Pour lire autre chose, il faut vraiment être de mauvaise foi ou avoir l’esprit torturé !…

Il a raison Roméo, c’est exactement ça ! Et si son objectif n’est pas écrit dans les règles de l’art, il n’aura besoin d’aucune personne de mauvaise foi, ni d’aucun esprit torturé pour le détourner de son objectif. Son intelligence lui suffira ! Elle va utiliser la moindre faille pour jouer avec son objectif…

Son coach s’amuse encore un peu avec sa formulation spontanée, puis il lui propose de reformuler son objectif pour se rapprocher davantage de ce qu’il veut vraiment ! Roméo écrit alors :

– Je ne veux plus voir un gros dans mon miroir !

– OK… Est-ce que tu accepterais de voir un mi-gros ? Ou alors tiens, j’ai une idée : vends-moi ton miroir ! Je vais le laisser chez toi, mais comme ce ne sera plus TON miroir, dès demain tu auras atteint ton objectif… Tel qu’il est formulé en tout cas.

– Là, tu exagères !

– A peine ! Je sais que ça fait sourire, mais c’est la base de la Résistance au Changement : le piratage de tout ce qui n’est pas clairement exprimé !

Le coach propose à Roméo une méthode qui lui permettra d’exprimer un objectif sans failles : arrêter les plaintes, les sous-entendus, la lecture entre les lignes, la poésie et toute autre forme d’expression que Roméo semble maîtriser à merveille… Il lui donne une méthode basée sur des recommandations et quelques questions (la même que celle que j’ai commencé à vous livrer au début de la semaine dernière), et lui propose de reformuler son objectif…

– OK… Je veux perdre 20 kilos !

– Hum…

– Ben quoi ? Pas d’états d’âmes, un nombre quantifiable de kilos à perdre. Je ne parle même plus de ma femme. C’est net et précis !

– Oui mais tu as oublié de dire en combien de temps… A quelle date monteras-tu sur la balance pour vérifier le résultat ? Et d’ailleurs, tu vas commencer quand ? Maintenant que tu pèses 90kg ou as-tu décidé d’entamer tes actions lorsque ta balance affichera le nombre symbolique de 100 kg ? Tu connais l’expression «je commence demain» ? Ton objectif n’est pas clair… Tu te laisses trop de latitude pour te pirater !

– Bon… Je veux perdre 20 kilos d’ici le 28 juin 2020 !

– Super ! On va pouvoir enfin passer aux choses sérieuses ! J’ai une question… Aimes-tu perdre ? Est-ce qu’en général ce mot a une connotation positive ou négative pour toi. Parce que ça fait des dizaines d’années qu’on a du recul sur les personnes qui définissent des objectifs, et on a pu constater qu’il y avait parfois des effets secondaires dus à des mots négatifs. Alors ? Tu aimes perdre ?

– Oh non ! Tu ne vas pas me demander de «gagner en minceur» ! J’ai lu cette expression quelque part, et je la trouve tellement bête ! Ne compte pas sur moi pour écrire ça…

– Très bien, ça me va comme raison. Alors qu’est-ce qu’on écrit ?

Roméo réfléchit quelques longues secondes, et propose ceci :

– Je voudrais atteindre le poids de 70 kilos d’ici le 28 juin !

– Pourquoi es-tu passé de «je veux» à «je voudrais» ?

– Purée ! Tu ne laisses rien passer…

– Oui… Coach, c’est un vrai métier ! Ceci dit, lorsqu’on en sera au plan d’action, je laisserai passer plein de choses… Mais là, nous sommes à l’instant sacré de la formulation de ton objectif ! Ce n’est pas le moment de laisser passer…

– Je veux atteindre le poids de 70 kilos d’ici le 28 juin !

– Ben voilà ! Ca me paraît très bien ! Et toi ? Lorsque tu lis cet objectif, as-tu encore quelque chose à redire ?

– Euh… Il y a bien un truc, mais tu vas trouver ça ridicule !

– J’adore les trucs que les gens considèrent comme ridicules… Exprime-toi, c’est ton droit !

– J’ai un parcours scientifique, et le poids ne s’exprime pas en kilos, mais en Newton. Ce qu’on mesure en kilos, c’est la masse. Donc lorsque je lis que je veux atteindre le poids de 70 kilos, j’entends un buzzer qui me dit que cette phrase est fausse scientifiquement parlant…

– Et tu trouves ça ridicule ? Un buzzer qui te recadre à chaque fois que tu lis ton objectif et qui te ramène vers tes connaissances, ta culture, tes valeurs ou tes croyances… C’est loin d’être ridicule ! Corrige-moi ça, même si ça ne concerne que toi. Rappelle-toi que ton objectif doit être Spécifique ! C’est à toi que tu parles !

– Je veux atteindre la masse corporelle de 70 kilos d’ici le 28 juin 2020.

– Là ça m’a l’air solide. Tu peux relire ?

– Je veux atteindre la masse corporelle de 70 kilos d’ici le 28 juin 2020.

– C’est OK pour toi ?

– Oui, c’est bien !

– Alors relis !

– Je veux atteindre la masse corporelle de 70 kilos d’ici le 28 juin 2020.

– C’est OK ?

– Oui… Qu’est-ce qui ne va pas ?

– Lis encore une fois !

– Ben ça va! Je ne vais pas le répéter 100 fois !

– A vue de nez, il y a environ 160 jours d’ici le 28 juin. Donc tu vas relire cet objectif au moins 160 fois. On ne va pas faire des comptes d’apothicaire… Relis !

– Ah bon ?… Je dois le lire tous les jours ? Purée… Heureusement que j’ai fait court !

– Si tu veux doubler ou tripler la dose, tu peux y aller matin, midi et soir. C’est bon pour la santé ! Allez ! Relis-moi ton objectif encore une fois !

– Je veux atteindre la masse corporelle de 70 kilos d’ici le 28 juin 2020 !

– Super ! Au fait, pourquoi le 28 juin 2020 ?

– Parce que c’est l’anniversaire de ma femme et je veux lui offrir un nouvel homme !

– Oh purée… Ça me fait de bonnes journées avec toi !

– Ben quoi ???

Eh oui, ben quoi ?! Heureusement qu’il a le sens du détail ce coach. Encore 2 ou 3 séances, et ils vont y arriver ! Pour le moment, Roméo est obnubilé par les remarques désobligeantes de sa femme, et il l’intègre systématiquement dans son objectif. Il a commencé négativement par «Y en a marre ! Je veux lui montrer de quoi je suis capable !», et il a basculé vers le positif, en se disant qu’il lui offrira un Roméo svelte et sexy en cadeau pour son prochain anniversaire…

Le travail qui reste à faire consiste à aider Roméo à s’approprier cet objectif pour qu’il le fasse pour lui ! Pourquoi ? Parce que les épreuves qui l’attendent ne peuvent être soumises à une volonté extérieure. En le faisant pour Juliette, il crée une dépendance qui la rend responsable de son objectif. Il se sert d’elle ! Et au cours des 5 mois de combat, si elle ne se montre pas reconnaissante envers ses efforts, il va bien le lui faire sentir… Ça risque encore de mal se terminer entre ces deux-là !

Au-delà du sketch, j’aimerais que tu prennes conscience de l’importance de ton objectif et des intentions qui t’animent lorsque tu l’envisages. Les mots que tu utilises pour le définir sont des pistes qui te permettent de mieux le clarifier et de l’adapter si besoin. Grâce au 28 juin, Roméo va se rendre compte que son objectif n’est pas sous son contrôle et qu’en conséquence, ce n’est pas un objectif ! Ceci ne signifie pas qu’il va abandonner l’idée, car s’il y pense, ce n’est pas pour rien. En revanche, il pourrait revoir le nombre de kilos et la date du rendez-vous pour que LUI se sente bien dans son corps, sans avoir le sentiment qu’il se sacrifie chaque jour. Et sait-on jamais… Peut-être qu’en retrouvant son énergie, et surtout son autonomie face aux actions qu’il entreprendra, il aura envie de se dépasser !

Bien sûr, tu as le doit de ne pas comprendre, de ne pas être d’accord, de citer des contre-exemples vécus, et ça m’intéresse ! Parce que je t’inviterai régulièrement à reformuler ton objectif d’ici la fin de ce programme.

Nous allons passer au plan d’action, car c’est un autre gros morceau. Cependant, s’il n’est pas motivé par un vrai objectif et si tu négliges sa formulation, passer directement à l’action risque de ressembler à une course de 100 mètres haies, avec des chaussures attachées entre-elle via leurs lacets…

C’est un défi comme un autre, et ça pourrait même devenir un nouveau sport. Mais puisque ton objectif n’est pas de créer un nouveau sport, autorise-toi une liberté de mouvement plus ample. D’autres défis t’attendent, bien plus intéressants.

A++

Stéphane

PS : Si tu le souhaites, je te propose de t’aider à formuler tes super objectif ici (peut-être que ça nous fera d’autres sketches ;-))