Le QUOI et le COMMENT
L’autre jour j’ai entendu un médecin-intervenant sur BFM-TV dire ceci à propos du déconfinement :
«Si tous les gens qui retournent sur le terrain appliquent les gestes barrière à la lettre, alors tout se passera bien. On a pu le voir avec le personnel soignant à l’hôpital, malgré leur proximité avec le virus, il y a eu très peu de cas de contamination…»
C’est totalement faux !
Je ne remets pas en doute ce qu’il dit à propos des cas de contamination, et je le crois sincère dans ses intentions de rassurer les auditeurs. Mais laisse-moi te raconter une histoire :
Lorsque mon fils a eu 10 jours, il s’est mis à tousser de façon bizarre, et nous sentions bien qu’il était gêné. Nous avons donc décidé d’écourter notre réveillon de Noël afin de l’emmener aux urgences. Une fois sur place et après quelques examens, on lui a diagnostiqué une bronchiolite, et il a fallu l’hospitalier pendant quelque jours. Encore nourrisson, il a été admis au service néonatal, afin que des spécialistes s’occupent de lui.
Avant de lui rendre visite, je devais toujours mettre une blouse jetable, des sur-chaussures, et nettoyer mes mains au gel hydro-alcoolique. Une infirmière me guidait dans chacune de ces actions avant de m’orienter directement vers la chambre de mon fils afin que je n’entre dans aucun autre chambre par erreur. Lors de l’une de nos nombreuses visites, l’une des soignantes nous a proposé de signer un document qui se trouvait dans la chambre de mon fils. Elle me tend son stylo qui se trouvait dans une poche de sa blouse, et au moment de le prendre, il me glisse des mains. je le ramasse, je signe le document, puis je le tends à sa propriétaire. Elle ne bouge pas et me dit :
– Il est tombé par terre, je dois le désinfecter avant de le toucher… Posez-le sur le plateau qui est là-bas, je vais m’en occuper lorsque ce sera le moment…
Penses-tu que dans la vie de tous les jours les gens pourront respecter des mesures aussi draconiennes ?
Moi je ne le pense pas ! Et ce n’est pas une critique que j’émets, car moi aussi, même après cette mini-formation marquante qui m’a été livrée il y a 17 ans , je vais probablement commettre des maladresses qu’aucun soignant ne commettra. Je n’irai pas jusqu’à coller un melon sur mon masque pour le sentir, puis le reposer (comme l’a fait une personne lors de mes dernières courses), mais je ferai sûrement des choses qui feront rire (jaune) un soignant !
Ce médecin-chroniqueur est victime de ce que l’on appelle une «Compétence Inconsciente». Il est tellement compétent qu’il oublie la complexité de ses gestes, qui sont mus davantage par ses intentions que par l’obéissance d’un protocole. Il n’a plus besoin d’être prudent comme chacun d’entre nous, les bons gestes sont gravés en lui et sont même devenus des réflexes. Il respecte des gestes-barrière, parce qu’il sait pour QUOI ils sont applicables, tandis que la plupart des gens vont obéir à des gestes-barrière qu’ils ne comprennent pas forcément.
Même avec un masque, même avec du gel hydroalcoolique, et même en prenant mes distances, une personne qui a comme habitude de pratiquer le sniff-décisionnel continuera à répondre à ce réflexe en prenant un melon dans ses mains, jusqu’à ce qu’on lui dise que c’est dangereux (pour les autres). Et si après cette formation-minute elle se mettra à obéir à la règle du non-sniffage, il y a forcément d’autres réflexes qui lui feront commettre des impairs, bien qu’elle n’ait aucune mauvaise intention…
Le QUOI et le COMMENT…
Chaque membre du personnel soignant d’un hôpital a un très haut niveau de Conscience de ce qu’un cas de contamination peut impliquer pour lui comme pour ses collègues, ses confrères et les patients. Non seulement il s’est formé aux gestes-barrière bien avant que ce virus ne nous menace, mais en plus, il travaille dans cet établissement volontairement pour accomplir sa Mission : sauver des vies, aider les gens à guérir, les accompagner…
C’est un soldat qui a le cœur dans la main et la mains sur le cœur ! Il connait parfaitement l’usage de chaque arme et de chaque bouclier et il sait manipuler l’ensemble de son équipement avec précision. En résumé, il est conscient du QUOI et lorsqu’il applique des COMMENTs, c’est toujours son QUOI qui l’anime.
Il n’obéit pas à des injonctions, il Respecte des Consignes !
«Obéir», ce n’est pas «Respecter»
Le monde n’est pas exclusivement habité par des soignants. En déconfinant, nous retrouverons sur le terrain :
- Ceux qui ne se lavaient pas les mains AVANT
- Ceux qui se sont faits un stock de pâtes et de PQ pour six mois
- Ceux qui ont enfilé leur jogging en Mars-Avril de cette année pour la première fois depuis 10 ans
- Ceux qui continuaient à parler de petite grippette tandis que les gens mouraient à l’hôpital par millers
- Ceux qui se sont indignés en apprenant que le travail allait reprendre mais que les lieux de loisir allaient rester fermés dans un premier temps
- …
Tout ce monde appliquera des COMMENTs, c’est-à-dire des techniques apprises par cœur qui sont certes les mêmes que ceux des soignants, mais avec quelque chose en moins : LE QUOI, c’est à dire la Conscience qui accompagne la Science
Science sans Conscience n’est que ruine de l’âme, disait Rabelais… Et il n’est ni le premier ni le dernier à rappeler que deux personnes qui font exactement la même chose, mais avec une Intention différente, n’obtiennent pas les mêmes résultats.
Le QUOI passe avant le COMMENT !
La philosophie l’évoque depuis des millénaires en se penchant sur la Conscience, la psychologie le soupçonne depuis des siècles en évoquant l’Inconscient et le Subconscient, la physique quantique a pratiquement humilié le modèle standard en considérant que l’observateur d’une expérience a une Fonction sur le résultat. Quant aux Neurosciences, elles démontrent toute la complexité de cette masse graisseuse et de ce qui l’entoure, pour rappeler images à l’appui, qu’on peut répéter mille fois à un bébé qu’on l’aime, si on ne l’aime pas vraiment, il souffrira d’un manque d’amour…
Imiter, singer, dupliquer des gestes-barrière ne sera pas suffisant pour atteindre le même niveau de sécurité que celui des soignants…
Un peu d’humilité
Beaucoup de gens pensent qu’en disant «ce que je fais est facile, tout le monde peut le faire», ils font preuve d’humilité… Je pense que c’est le contraire ! Cette phrase est même humiliantes pour une personne qui trouve la chose difficile. C’est à tel point qu’elle refusera tout défi lié à cette chose…
Je ne sais pas danser ! Si tu me dis que danser le rock est facile et que tout le monde sait le faire, je risque de me défausser du jeu au moment où tu me proposeras d’essayer. Dans le cas où je me sentirais obligé de le faire, je vais me diriger vers une danse comique. Je ferai mon numéro de clown afin de masquer mon incompétence. Je vais probablement réussir, car pour moi, faire rire les gens, c’est facile !
En revanche, si tu me dis que pour danser comme tu le fais, tu as passé de nombreuses soirées avec ton père qui était un danseur passionné, que tu n’as ressenti aucune difficulté lors de ton apprentissage parce que c’était fait avec plaisir, qu’à chaque pas de danse que tu fais tu te sens habité par ces souvenirs, et qu’en te mettant au service de la grâce tu fais honneur à celui qui t’as appris à marcher, puis à danser… Je serai sensible à ta poésie, car ton discours dit en filigrane quelque chose de très humble :
– Lorsque je danse, je fais honneur à quelque chose de plus grand que moi !
Ce quelque chose, c’est une valeur ou un système de valeurs que tu exprimes avec ton corps. C’est bien pour cette raison qu’en te regardant, ce n’est pas ton corps que je verrai danser, mais ton Être tout entier. C’est alors, que poussé par la magie qui lie les Êtres, je pourrai me joindre à toi pour faire quelque chose d’agréable à défaut d’être facile : je ferai honneur à quelque chose de plus grand que moi.
Pour que tes gestes-barrière soient précis, aussi précis que ceux des soignants, autorise-toi à faire preuve d’humilité en faisant honneur à quelque chose de plus grand que toi… Pour ma part, je penserai à ceux qui jour après nuit, ont sauvé des milliers de vies. A ces héros qui ont tout donné pour accueillir, rassurer, soigner et ranimer des personnes qui ne pouvaient être sauvés que par la transcendance.
En pensant à nos soignants à chaque fois que j’ajusterai mon masque, que je me laverai les mains, que je prendrai mes distances avec bienveillance vis à vis de mon prochain, je leur ferai honneur !
C’est ainsi que je ferai honneur à quelque chose de plus grand que moi…
Et toi ? Quel est le QUOI qui ajustera tes COMMENTs ?